Serge Daney définissait à peu près ainsi un cliché : « Un cliché n’est ni juste ni faux. C’est une image figée, qui rend paresseux ». Toni est un film paresseux. Intellectuellement et cinématographiquement. Arrivé de Calabre, Toni (Alesandro Gassman), un jeune mafieux débarque à Paris afin d’exécuter un contrat pour sa « famille ». Il prend contact avec « le vieux » (Ralf Vallone qui n’avait pas besoin en plus de tomber sur Philomène Esposito), personnage énigmatique, mis à l’écart de la « famille », mais qui rend encore quelques services. Sensé aider Toni dans sa mission, « le vieux » va en fait le manipuler, à la fois dans son propre intérêt et dans le but de le sauver du dessein secret de la famille calabraise qui a programmé la mort de ce bâtard. Simultanément, Toni va rencontrer Marie (Béatrice Dalle), et, comme l’énonce le synopsis, « une mystérieuse relation se noue entre eux ». Voilà pour l’histoire qui vaut bien une autre mauvaise histoire. De ce point de vue là, on a déjà vu pire. C’est ailleurs que Philomène Esposito réalise ses meilleures performances. D’un coup, d’un seul, elle parvient à ridiculiser trois acteurs. Alessandro Gassman dans le costume du naïf cow-boy calabrais au bon cœur, Béatrice Dalle en faire valoir pot de colle (cf. la scène où elle poursuit le taxi de Toni à vélo), et Ralf Vallone en vieux radoteur gâteux qui nous assomme inlassablement de ses leçons. Grâce à des dialogues sidérants de banalité et marqués d’un bon sens consternant, les voilà propulsés au rang d’acteurs de sitcoms dévidant benoîtement leurs inepties (voir la scène d’anthologie où « le vieux », en train d’agoniser interminablement, se lance dans une tirade de cinq minutes sur la vie et la mort, le bien et le mal, et dont la pertinence ne manquerait pas de ravir quelques apôtres de l’évidence). Et pour le coup de grâce, Philomène Esposito capte, avec virtuosité, de sa caméra aveugle, tous les instants qui ne font pas du cinéma. Ainsi se succèdent des scènes de dialogues explicatifs interminables, des déplacements entre deux lieux, etc. Et tout ça pour nous apprendre que les tueurs de la mafia sont « des hommes de déshonneur » car ils répandent le malheur !