The Great ecstasy of Robert Carmichael, dit la réclame, ferait passer « Orange mécanique pour un clip de Britney Spears ». Ça n’est pas faux, du moins c’est aussi vrai qu’affirmer que Patrick Sébastien, à bien le considérer, est un situationniste accompli, ou que Michaël Youn, réfléchissez-y, est le successeur tout désigné de Buster Keaton. C’est vrai que le premier film de Thomas Clay est une sorte de traitement Ludovico qui pourrait vous vacciner contre ce genre d’escroqueries pseudo radicales. Premier film qui part de Ken Loach pour arriver du côté de Haneke davantage que chez les droogs de Kubrick. Robert Carmichael, avant de vivre sa grande extase, est un adolescent comme un autre, mais pas tout à fait : il végète dans son lycée, traîne avec ses copains, mais manie l’archet plutôt bien, et joue du violoncelle dans l’orchestre local. Réservé, voire renfermé, Robert Carmichael a pour amis des petites frappes, petits dealers de ce bled anglais, si près de la mer, où la vie des habitants nous est présenté par petits fragments, en attendant l’embrasement final.

Le principe du film est simple : la dureté de la mise en scène (plans fixes, étalés en longueur, et belle photo, il est vrai, signée Yorgos Arvanitis), est l’alibi du grand ramdam. Un leurre, qui exhibe un certain savoir-faire un peu frimeur, drapé dans son arrogante rigidité. Le film semble obsédé par l’affirmation d’une signature et d’une intransigeance artistique, tandis qu’hypocritement il met en avant un discours voulu radical, voulu choquant, des images voulues insoutenables. Hypocrisie, puisque seul compte ici le tour de force, le twist ravageur qui doit clouer le spectateur sur son siège et lui faire croire qu’il assiste à un film excédant ses habituelles dispositions, un événement. Mais c’est seulement le tour de force en soi, pour soi, le tour de force en tant que tour de force qui motive le film et non pas ce qu’il raconte (heureusement d’ailleurs, d’un certain point de vue, puisque si Thomas Clay pensait délivrer un scoop absolument révolutionnaire en montrant que la barbarie guette à l’ombre de la banalité de nos sociétés démocratique, il se goure).

Le réalisateur sait très bien où il nous mène, et c’est bien le problème de ce genre de films de petits (ou gros) malins, films à twist, galipettes rhétoriques qui savent tout sur tout avant de commencer, donc ne cherchent rien, travaillent à leur propre plaisir et ne sont travaillés par rien, font mine de vous perdre en route avant de revenir vous prendre par derrière et vous en mettre plein la vue. Vous n’aviez pas senti le coup venir ? Normal, innocents que vous êtes, la violence est tapie dans votre salon ou la chambre de vos enfants, elle gronde et surgit par surprise, par des émissaires inattendus, parce que la société moderne, démocratique, élève dans d’inaccessibles cagibis les monstres qu’elle enfante. Merci pour l’info, Jo.