Un diplomate britannique au Kenya enquête sur la mort de sa femme, agitatrice sexy qui ébranla le monde secret de la recherche pharmaceutique et ses plans économiques inhumains. Cette adaptation en grandes pompes d’un best seller de John Le Carré rassemble deux grosses tendances Hollywoodiennes. D’abord, l’effet post-11-Septembre ou le réveil enfariné de l’occident face au monde et son lot de comptes-rendus d’expertise. Ensuite, le truchement des espaces, qui met l’Amérique hors champ au profit de lieux sinistrés (Moyen Orient, surtout l’Afrique), terrains de jeu ruisselant de fantasmes et de nouveaux gages esthétiques, qu’on laisse volontiers à ses propres représentants le soin de défricher. Enfin, représentants c’est vite dit, plutôt des confrères spécialistes en misère humaine et suffisamment fascinés par l’Internationale hollywoodienne. Soit le prototype dernier cri : Fernando Meirelles (La Cité de Dieu), brésilien encore plus mondialisé que Walter Salles, homme des favelas et des festivals, récupéré et récupérateur du système. Tony Scott lui doit notamment la charte graphique de son Domino.

Seulement voila, le film tient trop de la formule bâtarde, engoncé par son besoin de racolage actif et la finesse incroyable de son scénario. Au souci d’équilibre entre respect de l’adaptation et démonstration de force, Meirelles trébuche dans l’exposé poussif, vite démasqué, comme s’il faisait semblant de jouer au cinéaste qu’il ne sera jamais. Trop gros, trop lourd, franchement indigeste, The Constant gardener broie la politique dans le thriller, le psychologique dans le sensoriel. La frustration est d’autant plus grande que derrière l’abatage maladroit du réalisateur, surnage le talent toujours vert de John LeCarré. Maîtrise parfaite de l’action, structure dossier dont chaque tiroir est une pièce maîtresse, études de caractères qui glisse délicatement vers le fantastique (le héros voit son lien à sa femme se tendre ou se brouiller au fur et à mesure de l’enquête, comme si son fantôme prenait vie), les bases d’un grand film politique étaient posés, et se suffisent parfois à elles-mêmes.

On pense à l’accélération finale du récit, haletant malgré le ripolinage de la photo et son fard world (Yann Arthus-Bertrand aurait pu la signer), et cette manie du cinéaste à marquer des poses d’indignations par discours ou à-coups visuels charriés au tractopelle. Pas de doute, ce matériau plus anglo-saxon que ne laisse croire son décorum n’a pas été compris, à la fois gâché et sous-exploité. On pourra toujours rêver à véritable réappropriation, tel le Tailor of Panama du même auteur que Boorman avait porté avec l’assurance d’un grand maître un peu fou. Ou même se contenter de son exact contraire, une illustration plus franche, plus scolaire dont un Roger Donaldson ou un Alan Pakula se seraient acquittés sans problème.