Ne vous fiez pas à ce nom à coucher dehors, The Intelligence, qui rappelle cette mode -heureusement passée- de l’ »Intelligent music », concept aussi con que prétentieux. Ce groupe, basé à Seattle, est bel et bien l’une des meilleures surprises de l’année 2005. Les amateurs de généalogie pourront s’amuser, comme avec Animal Collective, à rechercher toutes les ramifications qui s’organisent autour du leader, Lars Finberg : on le voit batteur au sein des très rock’n’roll The A-Frames mais il a monté aussi moult autres projets, de Toy Train à The Dipers, tous oeuvrant dans un registre assez noise rock expérimental, souvent lo-fi.

Tout comme Animal Collective, nos amis de Seattle développent un univers tourné vers le « primitivisme » et atteint d’un autisme prononcé. Pour autant, ils ne partagent pas les climats plus apaisés amenés par Panda Bear dans Animal Collective et lorgnent plutôt vers la noirceur tendue des Liars (un goût pour les structures répétitives angoissantes), les vocaux saturés à la Country Teasers (des voisins de label) et la rudesse post-punk des premiers The Fall (ce n’est sans doute pas un hasard si les membres du groupe ont monté un label baptisé Dragnet et ont formé un groupe appelé Bend Sinister : à chaque fois le nom d’un album du groupe de Mark E. Smith). Si sur le premier album, Boredom and terror (beau titre !), The Intelligence se résumait à Lars Finberg jammant tout seul sur 4 pistes, Icky baby est, pour sa part, le travail d’un groupe sur plus de la moitié des morceaux. Le résultat sonne plus « live » et développé, mais également plus agressif que le premier disque, sans doute moins pop, si ce terme peut être judicieux pour l’univers volontiers affolé de Lars Finberg ! The Intelligence, quand il concède à être civilisé, pourrait ressembler à du early-Folk Implosion (celui de l’album Take a look inside) : on imagine assez les Lou Barlow et John Davies d’alors s’amuser à chahuter des titres comme Garbage in, garbage out ou Lifepreserver. Mais la partie congrue de Icky baby est constituée de titres flambeurs, en pleine incandescence punk ! Il faut souvent aller fouiller à la machette dans le boucan ambiant pour trouver la mélodie qui y est enfouie sous une tonne de saturation et d’électricité. On verra donc les quelques titres plus « faciles » comme de simple moyens d’oxygéner un disque assez étouffant malgré sa brièveté : le de rock garage futuriste de The Intelligence peut se bâtir à coup de guitares acérées (White gloves ou San Francisco), rappelant parfois les Swell Maps, mais le groupe les remise bien volontiers pour emprunter la friteuse qui servait de clavier à Suicide il y a longtemps (sur Cheer up switch, en particulier) pour un résultat au moins aussi éprouvant.

Il paraît que le punk art-junk de The Intelligence est encore différent sur scène. Alors on priera pour qu’un programmateur avisé les fasse venir par chez nous avant que notre bouillonnant Lars Finberg soit passé à autre chose.