Pas d’effet d’annonce ce coup-ci : on peut aisément anticiper le niveau dantesque de crétinerie de Saw II, mis en chantier quelques mois après les immenses bénéfices engrangés par le premier volet et déjà rentabilisé au centuple. Alors avouons-le, on peut se lover avec un certain plaisir dans ce patchwork de devinettes Carambar et en apprécier goulûment la pureté de sa nullité. Oui, on peut ricaner devant les rafistolages scénaristiques qui tentent de ne pas se faire voir mais qui se voient quand même beaucoup. Enfin oui, on peut succomber à la tentation régressive de se mettre dans la peau d’un ado de quinze ans pour qui le film est conçu, voire même conçu par lui. C’est en tout cas le seul moyen d’aborder Saw II : comme une parodie de spectacle forain, quelque part entre l’ingéniosité vacillante des spectacles de fin d’année et la micro-décadence des premières boums.

Attention, retour du tueur au puzzle, le serial killer le plus ingénieux du monde, qui sue néanmoins à grosses gouttes pour construire ses pièges. En bonne sequel qui se respecte, le scénario joue la surenchère et fait monter d’un cran le taux de pirouettes. Saw 1 se prenait déjà les pieds dans le tapi pour connecter deux personnages qui ne se connaissaient pas. Ici, ils sont huit, autant dire une sacrée ratatouille difficile à remuer dans tous les sens sans casser au moins un ou deux maillons faibles. Alors un autre whodonit, bien plus cynique, suit le slasher en parallèle. Qui se récoltera le morceau avarié du scénario ? Comme cette jeune femme dont on saura rien, qui meurt de convulsions avant le temps règlementaire, condamné sans bouée de sauvetage à la pantomime grotesque. D’autant que l’arrogance des scénaristes est à nouveau rattrapée par la frilosité de la mise en scène, réduite à bouillie d’images et de hurlements sonores dès que le film propose de verser le sang. Car au-delà du mercantilisme chevillé à Saw II, tenu d’être visible malgré son titillement gore, sa vision pré-pubère du cinéma lui permet d’incarner avec un tact infini les enjeux et les tiraillements de l’adolescence dégénérée : le surmoi de violence comme le ça de la suggestion s’entrechoquent et s’annulent en un fracas jubilatoire de frustrations mal dégrossies.