On ne croyait pas le génial créateur de Lost et Alias capable de cette majesté tranquille. Ce qui, dans Super 8, frappe en premier lieu tient à la simplicité étonnante de l’intrigue : à peu près dépourvu de tous les twists scénaristiques attendus, ce récit d’une nouvelle rencontre du troisième type se déploie de manière extrêmement classique, sans jamais rencontrer le moindre obstacle. Aussi peu pressé d’introduire ses extraterrestres qu’hier Hitchcock ses oiseaux, Abrams vise plutôt à recréer l’univers de ces beaux films fantastiques des années 80 sur l’enfance finissante (Spielberg, Zemeckis, Dante…) : premières virées en voiture, premiers pincements de cœur pour une voisine trop séduisante. Le casting est pour beaucoup dans cette réussite : une coupe rétro, un appareil dentaire et quelques répliques suffisent au cinéaste pour peindre un groupe de geeks auquel on croit immédiatement. Le film n’est alors pas loin d’être magnifique, quand il se contente d’accompagner ses personnages dans leurs expéditions nocturnes plus ou moins clandestines. On ne connaissait pas à Abrams (hier cinéaste brillantissime, mais parfois un peu trop rapide) un tel sens du détail : un regard sévère dans le rétroviseur, une voix légèrement trop aigue donnent ici à voir tout le désarroi des enfants.

Malheureusement, si la première moitié est très belle, il faut bien reconnaître que le film s’affadit assez nettement dans la deuxième. La rencontre plusieurs fois différée avec l’envahisseur, la découverte de ses pouvoirs et le suspense bidon qui s’ensuit (ami ou ennemi ?) témoignent, de la part d’Abrams, d’une tendance certaine au dilettantisme – comme si son principal souci était de nous prouver qu’il était capable de réaliser un nouvel E.T., un nouveau Retour vers le futur au pied levé. Le problème est qu’il est devenu difficile d’accéder à cette forme d’innocence. Il faudrait pour cela un cinéaste sans ironie. Cameron typiquement (dans Titanic et Avatar) a su faire revivre de grands récits classiques, offerts au spectateur comme pour la première fois. Par contraste, on sent qu’il y a dans la démarche d’Abrams quelque chose d’un peu désaffecté, à la limite du survol – assurément talentueux, mais dépourvu de véritable intensité. Ce n’est pas, comme on pouvait s’y attendre, qu’il cède à la tentation du clin d’oeil, du commentaire malin et distancié. Mais, au contraire, qu’il s’y refuse trop ostensiblement, visant à une candeur qu’il est permis de trouver légèrement affectée.

Pour autant, Super 8 ne se résume pas non plus à un simple objet vintage (comme pouvait l’être, dans un autre genre, Loin du paradis). Ce qui l’empêche de tomber dans l’exercice de style tient à cette empathie nouvelle qu’Abrams manifeste envers ses personnages, et dont on ne voit pas d’équivalent dans ses oeuvres passées – les scènes de couple de Mission : impossible 3, typiquement, indiquaient la limite d’un film parfait par ailleurs. On trouve dans Super 8 les plus belles scènes à ce jour de son cinéma : toutes celles de tournage (absolument superbes), ou ce passage au snack où l’on commande du café pour impressionner la belle, parce qu’on n’en revient toujours pas que celle-ci ait accepté de traîner ainsi, le temps d’un rôle, avec une bande de nerds. Cela en fait, sinon son plus beau film, du moins l’annonce d’une transition souhaitable qui devrait vite l’amener à s’aventurer dans des régions plus intimistes.