Un tireur d’élite (le meilleur, vous l’aurez compris) quitte l’armée suite à une barbouzerie africaine fatale à son meilleur ami. Reclus dans son chalet (notre homme vit de chasse, de cueillette et porte le catogan sous sa casquette), Shooter sort de sa retraite quand le gouvernement lui demande un coup de main pour déjouer une tentative d’assassinat contre le président. Gros guêpier, évidemment : le troufion devient le suspect numéro un. Heureusement qu’un sympathique agent FBI joue les Jim Garrison de poche et aide le cavaleur à démasquer les méchants et sauver son honneur d’officier patriote au-dessus de tout soupçon.

Vendu comme le premier blockbuster d’action anti-Bush, Shooter suscite d’autant plus les attentes qu’il est réalisé par Antoine Fuqua, ex wonderboy consacré par Training day. La dérive du bonhomme, discrédité via son pompiérisme réac des Larmes du soleil se confirme toutefois salement. Shooter peut d’ailleurs se voir comme un condensé des deux films cités : Fuqua sait y faire en thriller urbain mais ne peut résoudre de problématique guerrière sans sombrer dans le clinquant, le schématique et le grotesque. Sans doute Fuqua n’a tout simplement pas l’étoffe d’un grand metteur en scène d’action. Sa science du réalisme se dilue dans le grand n’importe quoi dès que le film se double d’une réflexion politique ou, plus largement, lorsque Fuqua ne sait pas de quoi il parle (la guerre, les magouilles politiques, les réseaux secrets). L’ouverture dans le désert éthiopien montre déjà cette limite. Dans l’infiniment anecdotique (ici, une séance de tir des snippers), le film cadre nickel. Quand le tir au pigeon s’élargit en conflit pléthorique, Fuqua s’empâte illico. Ralentis pompiers, vulgarité de tous les instants, chorégraphies adipeuses, une pénible artificialité règne en maître.

Malheureusement, le scénario tient lui aussi ce double langage : provoquer l’action tout en l’aspergeant de paranoïa politique aux petits pieds. Fuqua n’arrange rien : les agents du FBI véreux sont taillées à la serpe façon Hollywood night. Quant à sa fureur gauchisante, elle n’est guévaresque qu’en surface, histoire de cohérence avant tout : la suspicion n’est ici qu’avalanche de gadgets scénaristiques, les salves contre l’armée et les groupes industriels se réduisent à un ornement de circonstance, entre deux séances de paint-ball. Là encore, Les Larmes du soleil et son éloge des gentils va-t-en-guerre américains reviennent en mémoire : du moment qu’il y a des stars et des gros flingues, Fuqua pense à la demande. Reste la désinvolture de Wahlberg, nouveau taciturne en chef d’Hollywood, plus malicieux que pourrait laisser croire sa face de rango. Il est bon, assurément, encore lui faudrait-il un metteur en scène digne de ce nom.