Evidemment, on peut adorer Hilary Swank pour Million dollar baby ou Boys don’t cry, mais aussi pour sa propension à oeuvrer dans le nanar, quelles que soient les circonstances et les déluges d’oscars. Swank, c’est la grâce ballottée par le système, la noblesse nichée dans la fatalité, la beauté du labeur. Sans rire, très peu d’acteurs sont capables de cela. Sa présence insuffle aux Châtiments, banal produit « Dark Castle » (Gothika, 13 fantômes) une vague incarnation. Non que le film de Stephen Hopkins soit proprement lumineux, mais il est habité, en tout cas cohérent, voire théorisé, ce qui n’exclut en rien sa médiocrité. Mais sans la Swank, on peut jurer qu’il serait réduit à néant.

L’actrice campe une scientifique ayant perdu la foi après le massacre de sa famille au Soudan lors d’une mission humanitaire. Promue démonteuse de miracle par explications rationnelles, elle est sommée de sauver une gamine de Louisiane, accusée de satanisme par un village d’arriérés. On les comprend, les rednecks : la sauvageonne a le regard qui tue (Annasophia Robb, fascinante bambine de Térabithia), la rivière vire au rouge sang, le bétail est subitement frappé d’un mal mystérieux avant que la peste bubonique ne dézingue la populace. Même la fièvre laborantine de miss Swank ne résout rien à l’affaire. L’évidence se dessine inexorablement (Les Châtiments est un film qui fait peur) : Dieu et Satan existent, Swank doit à nouveau y croire et assumer son statut d’archange du bien.

S’adapter à tout, entre sueur et douceur, tel est le leitmotiv d’Hilary Swank, martyre hollywoodienne dont on ne sait quelle penchant, de Rocky ou de Cosette, l’emportera. La progression chez l’actrice est toujours heurtée : par un scénario hostile et glissant qui ne la laisse jamais tranquille, par sa nature angélique, un peu boy scout de gauche. Dans Les Châtiments, elle se cogne à tout et s’entête jusqu’à la rupture, toujours forcée par le destin des autres : au tiers-monde, au mysticisme, aux a priori sociaux-culturels, aux hommes. Rarement série B n’aura autant isolé son héroïne qui dans le même temps apparaît bizarrement surarmée. Swank n’est pas un corps de nymphette de giallo, c’est un corps trentenaire, sportif, affûté par les coups du sort. Que Hopkins l’ait compris ou non, son film capte cette fascinante dichotomie : baroud et naïveté, humilité ouvrière et majesté stakhanoviste (mélange qui surclassera les efforts de Charlize Theron, à jamais top model chez les prolos), solitude mais chaleur affective. Pas de doute, on attend de pied ferme le prochain Swank, qu’il soit d’Eastwood ou d’ailleurs.