Précédé d’un buzz le portant déjà au pinacle des grands petits films horrifiques, on ne tient pourtant avec Saw qu’une vulgaire série B tapageuse. Pas de moyen, aucun talent, juste une série de fausses-bonnes idées jamais menées à leurs termes, on a franchement du mal à imaginer cet épisode étiré des Contes de la Crypte faire tant d’émules. Ce fut pourtant le cas dès l’origine, puisque les créateurs James Wan et Leigh Whannell ont trouvé preneur au stade du court-métrage. Certes, pas la grande fortune, mais suffisamment pour débaucher une ribambelle de ringards en quête de nouvelle impulsion. Premier d’entre eux, Cary Elwes, rôle principal du film, qu’on avait pas vu à cette place depuis Princess Bride en 1987. Minute blonde vers la fin des années 90 dans les inénarrables Ailes de l’enfer ou Docteur Patch, Monica Potter l’accompagne, suivie de près par Danny Glover qu’on croyait suffisamment à l’abri du besoin pour s’infliger ce genre de panouille.

Ça commence exactement comme un soir de téléfilm horrifique sur M6. Allez, on veut bien y croire à cette exposition 100 % ludique que ne renierait pas Larry Cohen : deux types qui ne se connaissent pas se retrouvent attachés dans une salle de bain cradingue. Le serial killer qui les séquestre expose la donne à visage couvert : l’un a huit heures pour tuer l’autre sans quoi il verra sa famille exécutée. Le sadisme et la construction à tiroirs se revendiquent de Se7en, sans la virtuosité et le perfectionnisme de Fincher. C’est le moins qu’on puisse dire du pauvre James Wan, débutant totalement dépassé, zigzagant d’une naïveté adolescente pathétique (les antécédents du méchant et ses schémas tarabiscotés) à un grand guignol mal-à-propos. Autant d’attributs parasites qui empêchent le film de se déployer, tuant les quelques bonnes scènes (les intrusions dans les appartements divers, toutes réussies) par un hurlement cartoonesque ou un masque ridicule.

On rage encore de la frilosité plombante du cinéaste, qui ne tient absolument plus rien, pas même les passages obligés du genre. Pour preuves, des courses-poursuites sacrifiées par un minable effet d’accéléré, les flics, grotesques de bout en bout et surtout le final, grand moment de n’importe quoi, succession de trompe-l’oeil et d’effets de manches époustouflants de crétinerie. Explosé en mille morceaux, imbibé jusqu’à la moelle par la bêtise de son dispositif de collégien boutonneux, Saw est aspiré dans la galaxie des nanars hargneux qui se refusent à prendre conscience de l’ampleur du désastre. Le cynisme devient alors l’unique issue de secours du spectateur, qui s’abandonne à ricaner d’à peu près toutes les scènes.