En pleine promo mondiale de son nouveau film qu’il produit, interprète et chante en fin de générique, on imagine bien Will Smith suggérer fortement à l’académie des César que tant qu’à faire, il serait plutôt cool de lui filer un prix pour l’ensemble de sa carrière. Des stars populaires de son rang ont attendu la cinquantaine bien tassée pour décrocher la fameuse compression et bafouiller quelques phrases en français. En une dizaine de films et une série télé produit par Quincy Jones, lui l’a eu en pleine trentaine resplendissante, idolâtré de frais par les midinettes et les rappeurs de salon. Au pire moment aussi, tant Hitch, reconversion de la star en grand romantique, est un pic de foutage de gueule où décontraction rime avec grosse tête et paresse ultime.

Jusque là, Smith se contentait de recycler gentiment son fond de commerce d’entertainer nouvelle génération. D’Independence day, il passait aux Men in black ou Wild Wild West, grosses machines rutilantes sympatoches toujours bourrées d’effets spéciaux et de bimbos souriantes. Bien vu aussi, le choix de ses cinéastes : Barry Sonnenfeld (son seul véritable alter ego), Tony Scott et Michael Mann l’ont aidé à gravir les échelons de son plan de carrière ultra-bright. Seulement voilà, c’est le pauvre Andy Tennant, ex-comédien anonyme (l’un des gentils garçons de Grease), expert en gros bonbons indigestes qui prend le relais. De ce choix de miser sur un aussi mauvais cheval, une explication déclamée sans complexe par Hitch : l’autosuffisance dont se targue la star Smith dans un rôle miroir de conseiller en séduction à la morale irréprochable (il fait les histoire d’amour, pas les plans cul). Besoin de personne donc, tout est question d’opération tchatche, principe-signature de son plan de carrière. Pour emballer la fille de ses rêves, les trucs et astuces se confondent avec le charisme des acteurs : attendre qu’elle embrasse la première, la surprendre en fouinant son passé sur Internet, un petit compliment et c’est dans la poche. Ça marche même pour les gros porcs suants et soufflants énamourés de top models.

Aucun intérêt à prendre de risque dans un registre aussi familier à l’acteur : Smith n’a qu’à remonter dans son CV à la ligne Prince de Bel Air. Fini le look hip-hop du début des années 90 (et qu’il singe méchamment lors d’un flash back du genre « avant j’étais moche parce qu’avant c’est toujours moche »), Hitch est un avatar soigneusement réactualisé. Place aux costars millésimés, aux numéros de dragues de jeune homme friqué (le chassé-croisé de jet-ski en pleine baie de Manhattan, digne de Bachelor sur M6), à l’érotisme Colgate des chroniqueuses people (Eva Mendes, en tailleur pantalon pigeonnant, en passe de détrôner Jennifer Lopez). Hitch célèbre la vie enchantée des nantis, grosse pub de luxe boursouflée, sans cesse rattrapée par son étroitesse originelle. Pour Tennant, une bluette, c’est un décor théâtralisé (les lofts art déco, la rédaction du journal), une structure de série télé étirée jusqu’à l’épuisement, tels ces intermèdes musicaux sur fond de gratte-ciels anonymes pour passer d’une action à une autre. Et que dire des seconds rôles réduits à la bouffonnerie la plus sinistre. Méga-succès au box-office, cette ode au marketing va forcément se reproduire. On craint le pire.