D’accord, depuis A la dérive, plantade historique avec Madonna, plus grand monde n’est en mesure de défendre Guy Ritchie. A la rigueur, les plus enragés peuvent arguer que la comédie romantique ne convenait pas à leur réalisateur préféré et qu’une faute de parcours arrive même aux meilleurs. Alors ils devront se coltiner Revolver, nouvelle bouse Ritchienne, grand retour aux sources du spice-polar, mais, surtout, premier vrai film d’auteur sérieux. Car aujourd’hui, le temps des sous-tarantinades est bel et bien révolu, laissant place à une structure chromatique à base d’hormones lynchiennes, sorte de chef-d’oeuvre annoncé de prise de tête post-adolescente. Mais attention, hein, le film est pas là pour l’anecdote, l’Histoire du cinéma va s’ouvrir sur une nouvelle ère : celle de la coolitude vachement intelligente et artistique qui va fracasser ta mère.

Un tel pitch ne pouvait laisser Luc Besson indifférent, lui qui, contrairement aux idées reçues, donne souvent carte blanche. On se souvient de ses collaborations avec quelques copains acteurs (Lune froide de Bouchitey, Peau d’ange de Vincent Perez, ou plus récemment A Corps perdus de Sergio Castellitto) dont les opus soufraient d’un excès de liberté, machines souvent emballées par un trop-plein de style, percluses de fulgurances mais définitivement informes et boursouflées. Revolver entre sans discussion dans cette catégorie, et cela malgré l’intervention invisible du boss d’Europacorp au scénario. Rarement un film n’est autant parti en roue libre, écrasé par sa propre bêtise et sa mégalomanie autiste. Car devant le charabia scénaristique servant de prétextes à successions d’épates plus ou moins pathétiques, il trône toujours un souci de performance qui rend l’ensemble atrocement antipathique.

Une fois encore, c’est le changement de registre qui met en exergue les cruelles carences de Ritchie. Histoire de vengeance d’un joueur professionnel (Statham, chevelu et barbu) contre le mafieux qui l’a envoyé en prison, Revolver n’a même plus en réserve la soupape d’humour régressif qui atténuait la frime d’un Snatch. D’autant que Ritchie, inconscient ou courageux, construit officiellement son film sous la forme d’une arnaque, l’estampille géniale, et le prouve en la démontant sous nos yeux. D’où une mise en abyme cruelle de sa propre esbroufe, auto-flagellation qui tourne au supplice à la moindre faiblesse du scénario. On retiendra notamment l’interminable séquence (dix minutes, facile !), illustration laborieuse de la schizophrénie du personnage de Statham qui parle tout seul dans un ascenseur, gouffre creusé par un cinéaste définitivement à fond dans son truc, faussement tourmenté. Seul, tout seul.