Comédien (Il faut sauver le soldat Ryan) et réalisateur (Les Frères McMullen), Edward Burns signe avec Rencontres à Manhattan une chronique douce-amère sur la vie sexuelle et sentimentale d’un groupe de New-yorkais pur jus. Entièrement fondé sur la parole, le film prend le prétexte d’une enquête d’opinions réalisée dans la rue pour s’immiscer dans l’existence des sondés. Rencontres à Manhattan joue ainsi constamment sur deux points de vue : les confessions des personnages lorsqu’ils sont interrogés par la caméra de Burns et leurs faits et gestes par la suite. Soit un principe très simple reposant en grande partie sur la distance souvent ironique entre la théorie et la pratique. Assumant entièrement son côté « tchatche », le film de Burns évite tous les écueils qu’on était en droit d’attendre d’un sujet archi-rebattu ; la caricature sadique à la Amos Kolleck ou la retranscription glauque d’une misère sentimentale type reportage de Zone Interdite sur les célibataires. Avec un humour discret, le réalisateur choisit plutôt de nous offrir un état des lieux partiel à travers quelques exemples-type, lesquels révèlent au final le vrai sujet du film : l’inextricable nœud de contradictions formé par la variété des désirs humains.

Car le principal atout du film d’Edward Burns est d’avoir su rendre compte de la complexité de nos envies. Sur le ton léger du badinage urbain -mais sans tomber dans les enfantillages de la série Friends-, le film pose par l’intermédiaire de ses héros quelques questions cruciales auxquelles il ne prétend heureusement pas répondre : comment être heureux en couple longtemps ? L’infidélité est-elle grave ? Célibataire ou mal accompagné ? Passion ou train-train ? Aucune solution ne sera vraiment évoquée car ce qui intéresse avant tout Burns c’est de souligner à quel point l’être humain -quand il n’a plus à lutter pour sa survie et qu’il est confortablement intégré dans la société- éprouve le besoin de compliquer sa vie à l’infini. D’où ce délicat sentiment de mélancolie que l’on sent parfois poindre au fil des scènes et des conversations… Ballade lucide mais pas désespérée, Rencontres à Manhattan flirte agréablement avec son sujet comme avec ses spectateurs, l’air grave mine de rien.