David, petit taulard, profite d’une permission de 24 heures pour se faire la belle, entraînant dans sa cavale ses amis de toujours. David a de la chance : ses copains sont super sympas, en plus, ils sont à la fois tous différents les uns des autres et très proches des panels Ipsos-Sofres : vendeur de bagnoles bourru (Kad), universitaire à lunettes, bobo exilé à Londres, beauté alter-mondialiste, avocat sarkozyste. Il ne manque plus que la paire de flics pourchassant la bande, l’un (gentil) convaincu de leur sympatocherie, l’une (méchante) persuadée du contraire. Quand la partie de cache-cache s’essouffle, les questions fusent. 1. Qu’est ce que l’amitié ? ; 2. Jusqu’où va-t-on par amitié ? Le petit trois synthétise, grosso modo, les deux premiers : la générosité, qu’est ce que c’est, comment ça marche ?… Autant de trucs super angoissants, qui perturbent le sommeil d’Olivier Doran.

De Pur week-end à J’veux pas que tu t’en ailles, le cinéma français prend acte de sa paralysie. Il suffit de voir la manière dont ces deux films se crispent autour du scénario, obsédés par la mécanique, les rebondissements, les dialogues. Pour autant, Olivier Doran n’est pas un forçat du rire. Pur week-end se crispe, mais il ne doute pas un seul instant de la solidité de ses structures, ce qui amène paradoxalement un soupçon de fluidité. Les comédiens garantissent l’essentiel, y croient à fond (au groupe, au film), jouent sur deux tableaux (blagues, émotions), occupent à tour de rôle le devant de la scène. Zapping permanent : il se passe toujours quelque chose, défilement superficiel, attendu, souvent nul, mais défilement quand même. Doran ne voit rien de honteux à accepter la médiocrité. Au mieux il siphonne Les Bronzés et Philipe Harel, au pire, il fait du téléfilm pour jeunes (soit des images bucoliques avec de la pop), mais il avance toujours. Avancer, c’est bien le principe du road movie, non ?

Cependant, cette résignation affecte l’esprit fun du film, nettement moins goguenard qu’affligé. Doran n’est pas si modeste qu’il en a l’air, lui aussi voudrait rentrer dans le lard de la comédie française. L’entrée en scène du flic Berléand, couché sur le lit d’une cellule (clin d’oeil stressé : « vous aviez cru que c’était un indic, hein ? ») présente, a posteriori, l’illustration la plus glauque de cette audace quasi-subliminale : désir de mystification sans but, sans moyen, juste un petit coucou de la caméra aussi minable qu’imperceptible, hurlement de lilliputien dans l’immensité de la standardisation. Doran renouvellera l’opération (flash-backs traumatiques, avec lumière vintage et saillies caricaturales, « tout petit déjà, les uns draguaient, l’autre volait, etc. »), mais l’image reviendra sur les rails du scénario, par défaut, et donc par sagesse. Et Doran de se fondre dans la masse, rassuré par le cocon des conventions mais secrètement amer. La définition même de la marche forcée. Déjà qu’il ne peut rien changer au genre, Pur week-end ne va pas non plus le sublimer.