La glande au cinéma, c’est le grand courant djeun’s des années 90 dont Kevin Smith s’est arrogé le leadership avec un mélange de malice et de lymphatisme : des BD Clerks, une série animée, quelques films (plutôt mauvais) qui ressemblent à l’original, qui le clament haut et fort. Alors un Clerks 2 pourquoi pas ? Exploiter le filon était déjà un sacrilège. Smith connaît la formule par coeur, il la re-déroule : blagues potaches, vannes, ode à l’immaturité, à l’imperfection, burlesque assaisonné à la contre-culture (les deux clodos célestes Jay et Bob), beauté des zones industrielles commerciales ; ici, un fast food désertique où le duo Dante-Randal s’est recyclé après que leur mini market fétiche ait brûlé un matin.

Quoi d’autre ? Des nouveaux personnages (la chef Becky campée par l’appétissante Rosario Dawson, un ado fan des Transformers et de Jésus), une histoire d’amour entre l’employé Dante et une blonde que Smith abandonne très vite au profit d’une autre, assignant son héros à rester plouc du New Jersey mais à en jouir pleinement. Petit pas pour nous mais, bond de géant pour le cinéma très moral de Kevin Smith. Comment prétendre incarner la lose quand on réussit à Hollywood ? En câlinant le système, en assumant son rôle de pion : oser filmer la grande distribution, les parkings géants et les oeufs en tubes avec gourmandise et tendresse.

Jouer avec son Mc Do puis se ressaisir, dans un mouvement rigolard et honteux, le nerf du film en vaut bien d’autres, d’autant que Smith l’actionne avec un relatif brio. Les discutions entre Dante le suiveur et Becky la star égarée sont incontestablement les meilleurs moments du film. Smith y régénère son cinéma sans le moindre effort. La parlotte existentielle se trouve adoucie par la beauté de l’actrice, presque trop pour le cinéaste, apôtre du plaisir coupable. Plus que la provocation en elle-même, trop pataude pour déranger ici, c’est bien la honte, petite ou grande, qui tient la baraque. Séances de manucure surprises par un collègue vanneur, désirs avoués au grand jour, intimité dévoilée par accident, le film passe son temps à lever le voile, le plus souvent avec une violence non exempte de finesse.