Un certain buzz et une curiosité compréhensible avaient accompagné la présentation de ce Princesse, étrange projet d’animation danoise, lors de la Quinzaine des Réalisateurs 2006. Aux commandes de cet ovni, Anders Morgenthaler, star de la BD et de l’anim’ au Danemark, connu principalement pour WulffMorgenthaler, BD en série fort rigolote concoctée à quatre mains avec son comparse Mikael Wulff. Nettement moins léger, beaucoup plus ambitieux, Princesse vise le statut de pépite trash et avant-gardiste, option décryptage de l’air du temps et de son parfum de décadence généralisée. L’histoire, en gros : un prêtre missionnaire revient au pays quand il apprend la mort sordide de sa soeur, superstar du porno, qui laisse derrière elle une petite de cinq ans élevée dans le cocon glauquissime de l’industrie. L’arrachant aux bras adipeux de la vilaine maquerelle qui lui servait de nounou, il se transforme en Charles Bronson manga et se lance dans une vendetta hyper sanglante pour venger la mort de la frangine (objectif : éliminer toutes les traces de son statut d’icône porno et au passage les grands pontes du business) et surtout l’innocence pervertie de la gamine.

On se laisse d’abord séduire par la nature du projet, son équation originale vigilante film ultra gore + inspiration manga + film à message. Mais le côté grand ragoût pop qui avait tout pour plaire achoppe vite au sérieux un peu toc de l’entreprise. Des trois termes de l’équation, c’est le troisième qui agace toujours plus (la thèse au bulldozer sur-la-pornographisation-de-nos-sociétés, la croisade morale du bigot vengeur qui est aussi celle du film), le film s’épuisant à rejouer inlassablement et avec un pathos fatiguant la confrontation entre la candeur de la petite et l’obscénité de l’époque. Trop premier degré, trop confiant dans ses propositions un peu cheap (les séquences vidéo incrustées) et dans l’efficacité qu’il croit trouver dans son climat toujours plus lénifiant, Princesse se condamne vite à être un objet foncièrement indigeste, étouffant sous une chape de plomb les quelques trouvailles qui auraient pu le rendre aimable.