Dans le regain de forme, partout chanté, de l’animation française, tout irait dans le meilleur des monde si l’on savait utiliser comme il faut ce satané procédé 3D qui, s’il n’est pas pensé ou simplement justifié, jette un gros malaise sur la production. Les rares tentatives donnent lieu à des échecs cuisants, entre affligeante pauvreté de scénario et monstruosité graphique, le champion du genre étant sans conteste le sinistre Pinocchio le robot. Sans atteindre un tel niveau d’horreur, Piccolo, Saxo et cie s’affirme comme un bon challenger : mise en scène réduite au niveau zéro, labeur général, tout est là. Egalement responsable du carnage, sa mission d’éveil à la musique, Piccolo et Saxo étant des personnages à vertu pédagogique conçus il y a cinquante ans sur microsillon.

Un problème d’incarnation s’impose d’emblée : comment animer la musique, lui donner chair et forme ? Le film ne trouve jamais vraiment la solution, se bornant à sabrer tout rapport à l’humanité -les instruments vivent seuls entre un canyon et une forêt, en parfaits sauvages. Option bâtarde et fumiste : cette conception d’un univers monté de toutes pièces est beaucoup trop arbitraire pour convaincre. Ça ne s’arrange pas avec les personnages, principalement une flûte et un cuivre humanisés au minimum syndical : des bras, mais pas de jambes, aucune torsion, ce qui les contraint à se déplacer en flottant tels des zombies amidonnés. On ne les voit quasiment jamais jouer, ce qui est ballot pour un film d’initiation musical. Mais vu la grammaire rachitique du film, la logique est respectée : boeuf ou pas, de toute façon, les héros ne peuvent pas bouger. Une scène en musique revient donc à enclencher la bande originale et à la plaquer sur l’image. Pas sûr que les gamins comprennent.

D’où l’impression d’un film dans le plâtre, en complète tétanie. Le moindre rebondissement se cogne aux limites d’un univers tellement artificiel qu’il tourne immédiatement au cauchemar totalitaire. La rencontre entre les deux instruments vedettes par exemple : en deux plans et une dispute toute molle, ceux-ci deviennent amis. Pourquoi ? Parce qu’ils l’annoncent… D’une tentative de coller à la méthode Pixar où un univers prend vie dans une autonomie parfaite, Piccolo, Saxo et cie glisse du coté de la série Le Prisonnier : désertification généralisée (les instruments sont toujours écrasés par le décor), mécanisation des corps et des rapports entre les êtres. Le monde de la musique n’a jamais été aussi flippant.