Dernier poids lourd de l’humour made in France de l’année, Palais royal ! redonne quelques couleurs à notre boite à rire bien de chez nous. Non que Valérie Lemercier cinéaste soit absolument géniale, mais son film, enlevé, parfois brillant, franchement poilant, s’en tient au moins à une bonne prestation de l’artiste à la télé : talent de la répartie qui distille vannes régressives et ironie surréaliste, une manière d’enfiler le costume d’un personnage par la tête tout en le décousant par le bas. En somme, du cinéma de café-théâtre grand luxe, qui privilégie l’instant à la structure, la performance au grand tout, et place le bon mot en détonateur de scène. De ce point de vue, Palais royal ! est une sorte de petit chef-d’oeuvre, Lemercier ayant au moins le mérite d’en découdre avec les produits du terroir, sans tenter de nouvelles voies dégénérescentes chères à ses jeunes confrères. Du casting au scénario, en passant par la mise en scène, 50 ans de comique français défile, de Tati à Jean-Marie Poiré sans oublier Les Nuls, Palace, Gabriel Aghion et les pubs Bic, signées d’ailleurs par l’intéressée.

Histoire de revival, donc. Dans une principauté imaginaire, une orthophoniste godiche est catapultée princesse, suite au « coup d’état » fomenté par son mari (Wilson) et sa belle mère (Deneuve). Première partie bluffante de fluidité, le film aligne personnages et blagues à une vitesse vertigineuse. Belle profusion où, grisée par sa matière, Lemercier aspire vraiment tout ce qui passe : il y a autant de plaisir à coder l’univers de la royauté d’opérette qu’à en démonter chaque parcelle. Rien de bien nouveau chez la cinéaste, abonnée à un comique de répliques, qui à lui seul anime et détourne les images. Sauf qu’ici le sujet, parodique et artificiel par essence, permet à la mécanique de surmonter son labeur boulevardier. Evidemment grands gagnants, les acteurs se régalent de leurs privilèges de demi-Dieux de l’humour tout à la fois mitraillés et mitrailleurs. Joyeuse perversion du dispositif : plus la star prend en charge le film et plus cette dernière ricane à ses dépens, dévoilant un contre-champ pas si éloigné du réel. La virilité BCBG de Lambert Wilson vire à la grivoiserie étriquée (il sodomise sa femme pour ne pas avoir d’enfant), et Catherine Deneuve en reine mère pétomane entre les lettres, livre un numéro d’autodérision on ne peut plus cruel.

Et Lemercier actrice dans tout ça ? Elle aussi joue le jeu, très sûre d’elle, trop même, montrant comme à l’accoutumé de sacrés carences pour mettre en scène son narcissisme. A tel point que le film dévoile petit à petit sa vraie nature, celle de l’auto plébiscite assumé haut et fort, quand la simplette outrancièrement chahutée se change en wonderwoman mutine et charmante, désirée par les hommes, idolâtrée par les médias, genre papillon sortant de sa chrysalide. Lemercier a beau répéter que c’est l’angélisme fabriqué de Lady Di qu’elle égratigne, c’est marrant, on n’y croit pas. Sans doute parce que Palais royal ! zappe une partie des seconds rôles bichonnés du début, que ceux qui restent finissent en porteurs de soupe mêmes plus drôles et que les tacles vachards, le burlesque et même l’intrigue disparaissent au profit de multiples séquences photos où l’on découvre la beauté et le charme d’Armelle-Valérie. Dommage, mais il faut bien reconnaître qu’en comparaison du rire national moyen, Lemercier peut se permettre de se voir si belle en ce miroir.