Longtemps vendu comme le premier blockbuster arabe, Or noir restera surtout dans l’histoire du cinéma comme le premier film de Jean Jacques Annaud après le cataclysme Sa majesté Minor. Alors cramé en France (pour toujours sûrement), notre ex wonderboy a failli trouver du boulot en Chine, avant donc de se rabattre sur l’écurie de Tarek Ben Ammar et d’emballer ce Lawrence d’Arabie bis entre Tunisie et Qatar. L’anecdote a ceci d’éclairant qu’elle révèle l’état de la concurrence des Etats émergeants face à l’ogre hollywoodien en matière de grands spectacles. Le choix d’un Annaud carbo rappelle en tous points la migration des footballeurs en bout de course achevant leur carrière dans les clubs du Golfe : pour l’instant l’argent du Moyen-Orient attire moins les meilleurs du moment que les glorieux nécessiteux en quête de résurrection, plus un moyen d’accommoder les restes que de bâtir une alternative fringante.

Ironie du sort, Or noir s’évertue à vendre la mythologie d’un pays neuf (un émirat imaginaire qui ressemble comme deux gouttes d’eau au Qatar ou à Dubaï) dont le scénario remonte à la genèse dans les années trente. La rivalité entre deux cheikhs, l’un bling bling (Banderas) et vendu aux Américains, l’autre traditionaliste, intègre et sexy (Mark Strong), sur fond de guerre du pétrole. Trait d’union : Tahar Rahim, fils du second néanmoins élevé par le premier, et qui au terme d’une enfilade de rebondissements à la Dallas parvient à réconcilier tout le monde avec un art de la synthèse que ne renierait pas François Hollande : sa terre, ouverte aux étrangers, reste inflexible sur les traditions locales pas super démocratiques, rigueur toutefois glamourisée au possible. Un exemple. A la fin, Rahim roule une pelle à sa copine qui se dévoile à l’air libre, pendant que son peuple respecte l’intimité du couple en se retournant comme un seul homme, dans une volte face chorégraphique très Kamel Ouali.

On passera vite sur la responsabilité d’Annaud, mercenaire archi-cuit dont les moyens pharaoniques mis à sa disposition n’innervent jamais son non-style : en lieu et place d’aventures rétro-orientales à la Tintin, le film s’apparente à une grande braderie Pier Import vue du ciel. On peut même remercier le cinéaste tant la nanardise de l’ensemble relativise la propagande politico-touristique. Une homérique traversée du désert sans gourde prend ici trois minutes et demie – chameaux qui titubent, touaregs qui tombent comme des mouches, l’effet d’accélération est assez burlesque. Et le scénario réserve quelques pirouettes d’anthologie. La meilleure : Rahim se prend une balle en pleine tête, son clan s’apprête à l’ensabler en pleurant. Et puis non, il bat des paupières, grogne un peu, façon gueule de bois. Miracle ? Niet : tout ému, son ami médecin diagnostique, jargon scientifique à l’appui, un syndrome rarissime de rémission recensé dans ses livres. La caravane peut reprendre son chemin. Pardon, sa voie de garage.