Disons-le vite, le célèbre « Un pour tous et tous pour un » a franchement mauvaise mine en relief, le texte a l’air de venir de derrière les parties saillantes de l’image, comme un bruit de fond Prisunic, un vieux slogan qu’on ne relève plus. Les Trois mousquetaires 3D, de manière générale, est un inénarrable assemblage de formules que Paul W.S. Anderson (certes pas la première épée d’Hollywood, mais pas la dernière non plus) s’échine à appliquer de toutes les façons possibles. Dumas, le texte, le contexte, l’époque, font figures de parure, de look. Prenez Ethan Hunt, collez-lui moustache et royale, multipliez-le par trois et vous obtiendrez les Athos, Porthos et Aramis version Paul W.S. Anderson. Quant à Milady, c’est ni plus ni moins Resident evil en froufrous.

Le film s’ouvre sur les exploits des mousquetaires cagoulés comme des commandos, progressions de type SWAT à travers l’Europe du Grand Siècle, se poursuit par des variations en costume sur Resident evil (scène du couloir piégé), se termine par un combat de vaisseaux de guerre-aéronefs évoquant quant à lui le fantastique d’un Pirates des Caraïbes. Entre temps, le film aura cherché à garder un pied dans l’univers du feuilleton populaire en esquissant deux intrigues amoureuses, et ne se défaisant jamais d’un ton badin (catastrophique jeu minaudier d’Orlando Bloom). Anderson vise le film d’aventure décomplexé, tente le « cocktail d’action et d’humour », mais rien à faire, au lieu de se mélanger les ingrédients s’empilent. Le film tient moins du cocktail que du sandwich club, ou de la brochette charolaise, enfilade de genres, d’époques et de modes – à l’image de ce galion-planeur qui vient s’embrocher sur l’un des pignons de Notre-Dame.

L’hybridation, le croisement incongru, a semble-t-il toujours intéressé Paul W.S. Anderson – qui d’habitude parvient au moins à rendre crédible la proposition, à l’introduire avec un certain tact. A défaut d’un vrai talent pour l’action (handicapée, la plupart du temps, par un montage bâclé, une conception usinière de la durée et du plan), le cinéaste possède un indéniable savoir-faire didactique, excelle à jouer des interfaces, à planter un décor (cf. les expositions de Resident evil et d’Alien vs. Predator). Ce goût de la cartographie, de l’analyse de l’espace tient à l’univers du jeu vidéo qu’Anderson explore depuis son premier film, Shopping (1994). Et c’est encore de jeu qu’il s’agit dans Les Trois mousquetaires 3D : la France de Louis XIII est à plusieurs reprises figurée en maquette, tandis qu’un plateau de jeu représentant l’Europe, avec de larges pions en fonte, trône dans le salon de Richelieu. Mais cette fois le postulat tourne directement à l’amusette puérile, à la parodie cafardeuse, et ne permet pas d’épargner un quart d’heure comme dans les films précédents – cinq minutes tout au plus : pour l’érotisme fatal de Milla Jovovich, et l’idée que Richelieu avait peut-être, au fond, une âme de gamer.