Est-il véridique, le récit-cadre de ce roman sur Céline et sur son amitié avec Marcel Aymé, l’inventeur du Passe-muraille ? Si oui, Alexis Salatko a eu la chance de connaître un proche des deux hommes, témoin visuel des débuts de Céline puis de sa dégringolade. Adolescent rebelle et chevelu, le narrateur débarque à Paris sans connaître personne, et échoue chez des amis de ses parents à Draveil, dans la banlieue sud. Son hôte, un vieillard bougon nommé Max, lui ouvre sa bibliothèque : une mine d’or où il découvre, entre deux éditions dédicacées du Voyage ou de La Vouivre, l’oeuvre complète de Céline, jusqu’aux Bagatelles pour un massacre. Et Max de raconter sa jeunesse dans le Montmartre des années 1930, sa rencontre avec l’irascible docteur Destouches et le peintre Gen Paul, l’écriture du Voyage, les pamphlets, la guerre et le début des ennuis…

Malgré le bagou coloré du vieux Max, cette première partie n’est pas la plus intéressante : le meilleur de Céline’s band tient plutôt dans la description de son amitié avec Aymé, un homme qui, du point de vue du caractère, est son contraire parfait – Céline est tonitruant et provocateur, Aymé reste discret et malicieux, avec cette pointe d’ironie dans le regard et ce problème d’élocution issu d’une maladie de jeunesse… « Il n’y avait pas plus différent que ces deux-là, confirme Max. Ils formaient un duo à la Laurel et Hardy et, comme Stan et Oliver, ils sont restés inséparables jusqu’au terminus du voyage ». Difficile pourtant pour Marcel de rester ami avec l’infernal Céline, lequel n’avale d’ailleurs pas d’avoir été portraituré en antisémite dans un conte de son confrère. Mais Marcel, fidèle en amitié, défendra quand même Céline après la guerre et, malgré la maladie, fera le voyage au Danemark au début des années 1950 pour revoir son camarade en exil, misérable et crasseux dans sa bicoque de Klarskovgaard…

Une visite danoise qui donne lieu aux plus belles scènes de Céline’s band, évocation qui tient à la fois du portrait biographique et l’essai littéraire, en s’imposant pour finir comme l’histoire d’une amitié dans un siècle compliqué. Une histoire illustrée par la célèbre photo du bandeau, qui montre les deux écrivains discutant paisiblement au pied d’un arbre à Grosrouvre, la maison de campagne de Marcel Aymé, sur un tapis de feuilles mortes.