Il arrive parfois qu’on soit en colère ou profondément déprimé devant certaines oeuvres. Après tout, chaque film est une vision du monde, même à son corps défendant, même lorsqu’il revêt les atours de la fantaisie. Il est plus rare que devant un film on éprouve une sorte de honte à rester là, à regarder ce qui défile sous nos yeux. Le Prix à payer est de ceux là. Décidément, il est rare que la comédie sentimentale, en France, ne flirte pas avec la vulgarité rance et méprisante, à la différence de son homologue américaine dont les récents exemples ont montré la vitalité (de 40 ans, toujours puceau à 7 ans de séduction en passant par Serial noceurs ou 30 ans sinon rien). On connaît l’argument : pas de sexe, pas de fric, dit en substance le grand bourgeois (Christian Clavier, curieusement bronzé) à sa bourgeoise de femme (Nathalie Baye) qui délaisse la couche commune. A côté, c’est le chauffeur (Gérard Lanvin, curieusement bronzé) qui trime tandis que sa femme (Géraldine Pailhas) tente de s’épanouir dans l’écriture sans rapporter un kopek à la maison. Et sans apporter le minimum en ce qui concerne le film, à savoir une turlute de temps à autres -oui, le film s’abaisse à ce niveau là.

Les rapports d’argent ont contaminé jusqu’au couple, et cette vision déjà en soi peu ragoûtante, la réalisatrice se contente d’en prendre note sans jamais apporter un point de vue critique sur un état du monde qui rend les personnages (les hommes, les femmes) profondément antipathique car simplement motivés par leurs petits égoïsmes libidineux. Egoïsme qui prend deux formes : l’argent (pour les femmes) et le sexe (pour les hommes). Le film est d’autant plus redoutable qu’il a parfois une verve dialoguée assez efficace et se permet des scènes d’une violence inouïe (le repas entre les quatre protagonistes) dont la réalisatrice, manifestement, ne mesure pas toujours les effets. Alors il ne reste que le malaise (et les rires gras dans la salle), Alexandra Leclère filmant le total assèchement sentimental qui affecte ses personnages sans aucune distance. Très vite leur regard devient le sien (et alors le film devient franchement atroce). Car dans ce film, on ne trouve jamais vraiment de demandes ou de preuves d’amour, juste une somme d’intérêts bien compris (le final soi disant généreux) dont le cynisme fait froid dans le dos. Ici il n’y a pas d’amour, il n’y a que des preuves d’argent. Tout vire à l’obsession pécuniaire sans que jamais la réalisatrice n’interroge la dépendance financière des femmes envers les hommes.

Les comédiens sont au diapason, qui rivalisent de laideur, si bien qu’ils ne tirent jamais les dialogues vers le haut, mais s’enfoncent un peu plus avec le film. Un exemple ? A propos d’un noeud de cravate, Clavier demande à Baye : « Avant, c’est toi qui me faisait le noeud », « maintenant tu le fais mieux que moi », « oui, mais j’aimais bien quand c’était toi qui le faisait ». Traduction : avant on baisait, maintenant tu te branle tout seul. Il fallait des acteurs légers et pleins de distance ironique pour assumer la vulgarité à peine voilée des dialogues. Par exemple, Hugh Grant et Drew Barrymore, ou même Edouard Baer et Hélène Fillières. Mais avec Clavier, même plus sobre qu’à l’accoutumée, et Baye qui en fait des tonnes, le dialogue prend la tournure d’une pauvre affaire de cul. Même dans le désamour, une comédie sentimentale devrait encore croire à l’amour. Là dessus, on ne saurait trop conseiller à Alexandra Leclère de (re)voir quelques classiques de Blake Edwards.