Ambiance lounge, barres de HLM filmées au petit jour et Anconina en rouflaquettes et jogging CCCP. Voilà au moins trois trucs qui flinguent d’emblée la sincérité de Dans les cordes, Million dollar baby à la française, chronique sociale et drame familial garanti sans pathos. Anconina donc, supervise sa fille et sa nièce pour gagner le titre de championne de France de boxe française. La première, pourtant chouchoutée par papa coach, perd. La seconde, rabrouée par tonton coach, gagne. Devant un tel paradoxe, ça bouillonne sévère dans les ciboulots.

Voilà un film désarticulé, où le ratio moyens-ambitions ne penche pas du bon côté. Les combats, d’abord. Magaly Richard-Serrano a beau avoir enfilé les gants dans la vie (championne de France par deux fois), elle ne restitue rien d’autre qu’un arsenal de ralentis et de figures poétiques imposées, mille fois mieux maîtrisé dans les classiques du genre. Pour la psychologie de la combattante sur le ring, on repassera. Au tour du social : là, c’est énorme, presque indépassable dans le genre. La représentation du réel tourne au cirque : un plan-séquence d’anthologie saisit la sociologie de la salle. Des petits vieux qui s’agitent pile poil devant la caméra, un bonjour par-ci, une vanne par-là, la simulation tourne à plein régime. Après le naturalisme en kit, la poésie pointe : dehors, dans la nuit bleutée (c’est beau une ville la nuit), Maria de Medeiros en robe léopard, le cheveu fillasse et peroxydé, fume une clope (c’est beau la vulgarité banlieusarde) pour ne pas voir sa fille combattre (c’est beau la maternité, Pedro si tu nous regardes).

Ça ne vaut pas une petite séance d’échauffement sur le parking de la « téci » où une 206 Peugeot crisse des pneus et siffle la belle qui trottine là, en gros plan, avec son casque de commentateur de foot sur les oreilles, le trip-hop massant les tympans du spectateur (public, identifie-toi ; public, sois transporté). Quid du drame de famille ? La mission la plus accomplie, assurément, histoire d’inceste distillée via crochets, glapissements et tronches nouées dont celle de la jeune Louise Szpindel, intense et minérale. Une belle séquence de révélation voit plonger la culture populaire (Maria de Medeiros balance tout dans l’émission nocturne de Macha Béranger) dans le bouillon familial. Sans doute l’accomplissement absolu du film, volonté en tout cas de sublimer l’intime et le général. Ça n’empêche pas le K.O.