Attendu comme son messie de père, Goro Miyazaki déçoit forcément. La faute en revient moins à la pression du public qu’à la fadeur du cinéaste en herbe. Certes, Les Contes de Terremer est emballé comme du Hayao, Ghibli touch oblige, ce qui n’incite pas à la rébellion. D’autant que Miyazaki fils n’a semble-t-il pas l’intention de tuer le père. La continuité lui va comme une bonne paire de charentaises : décorum, utopie écologiste, squelette néoréaliste sur chair onirique, tout est là, patiné, huilé, prêt à l’emploi. Le scénario déjà, intéressait le père dans les années 80 : un jeune prince héritier poignarde son père, paisible monarque d’un royaume médiéval puis prend la fuite, effrayé par son acte. Recueilli par un magicien charismatique, il se reconstruit avant d’affronter sa part d’ombre, incarnée sans faux-col par un Dorian Gray d’héroic fantasy qui menace de bouleverser l’équilibre des mondes.

Le parricide, voilà une bonne idée de scénario que Goro Miyazaki aurait pu ou dû s’accaparer à bras le corps. La séquence est d’ailleurs la plus forte du film, tournée tout simplement, en quelques plans secs, mêlant cruauté, surprise et fatalité. Le reste ne suit pas vraiment la cadence. Le personnage dilue rapidement son mystère, le cinéaste cédant au recopiage paternel : initiation à la dure, bienveillance d’un père spirituel rapidement trouvé. Surtout, le film se raidit dans ce déroulé, comme s’il n’y trouvait aucun motif de vampirisation. Et cette raideur produit l’effet inverse de celui du cinéma de Miyazaki père : là où les films du maître aspirent l’intrigue, malaxent chaque pan du cadre, celui de l’élève reste comme cramponné, assurant ses prises formellement avant d’avancer. Rien n’est évident dans Les Contes de Terremer : pertinence de l’oeuvre, conduite du récit, solidité des images, même le graphisme semble étrangement brouillon, un peu figé, presque vieillot.

Ce trac pourrait jouer en faveur de Goro Miyazaki, mais ce dernier le refoule, alignant les numéros de bravoure, se coulant sans broncher dans les rails de la fiction. Conséquence : la commande l’emporte sur la création, et la fragilité se fait mollesse. Les Contes de Terremer reste un produit de qualité, porté par son cahier des charges, sauvé en quelque sorte par lui, mais dans le même temps, condamné à la docilité. On retrouve un peu l’impression laissée par Le Royaume des chats, production Ghibli dont ni Takahata ni Miyazaki n’avaient assuré la mise en scène, travail propre mais déprimant de standardisation. Miyazaki junior partage cette sérénité de faux sage : pas vraiment concerné, pétri de certitudes au sujet d’une grammaire qui ne lui appartient pas. Dommage, car ses tentatives de poussin pétrifié (les chansons, beaux moments) suggèrent que la coquille n’est pas aussi vide qu’il n’y paraît.