Premier long métrage français filmé en vidéo numérique -et en seulement trois semaines-, le film de Benoît Graffin est tiède. Le réalisateur avoue l’avoir tourné ainsi pour des raisons essentiellement financières et c’est certainement là que le bât blesse. En terme d’image, Graffin n’a absolument pas tenté de s’adapter aux contraintes induites par son support de tournage : il multiplie les plans très larges sur lesquels l’image tremblote et ne se prive pas de tourner dans des intérieurs très sombres. Lors d’un récent débat organisé par le Forum des Images (ex-Vidéothèque de Paris) sur le thème du choix de tournage sur support pellicule ou vidéo, la productrice de Lars Von Trier insistait sur le fait que le choix de la vidéo pour le tournage des Idiots ne s’était aucunement fait sur des critères financiers, mais bien plutôt sur la nécessité d’obtenir une esthétique différente. Choisir la vidéo en l’utilisant comme du film ne peut donner qu’un résultat décevant. Le New-Yorker en est la preuve. La nouvelle « Nouvelle Vague » annoncée par les promoteurs de la DV (Digital Vidéo) n’est certainement pas en germe dans ce film au ton sans surprises. On y trouve pourtant quelques traces du désir de Benoît Graffin de se libérer des contraintes lourdes d’un tournage classique. Ainsi, son héros est façonné à son image -enfin, celle qu’il voudrait avoir- libre et sans attaches. Ce naïf qui part à l’assaut de l’Amérique en suivant une fille ne suffit pas à rendre consistant un scénario qui utilise pour se sortir de ce trop faible sujet des ficelles de plus en plus lourdes. Alfred (alias Mathieu Demy) égare sa valise à l’aéroport, devient SDF, rencontre dans Harlem un gang de blacks armés de flingues, puis un mafieux qui se ballade dans New-York en limousine… Quand on lui confie la garde d’un chien, il le perd et quand il fait connaissance avec une gentille jeune fille à papa, c’est pour tourner un snuff movie…
Seul point positif, Mathieu Demy se sort assez bien de ce rôle de petit gars paumé et réussit la prouesse de ne pas devenir exaspérant à force de lourdeur. Cette succession d’astuces de narration pour donner une vie au personnage aurait pu engendrer un film fou et décadent. Mais non, Benoît Graffin, jeune réalisateur ayant travaillé à l’écriture de séries télé pour TF1 (Extrême limite notamment) n’a décidément pas la fougue ni la fantaisie d’un Almodovar…
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