Voilà ce qu’il conviendrait d’appeler un film d’infortune(s). Revenu un peu piteux des berges du Nouveau monde, Alain Corneau avait donc décidé de remonter aux sources d’un genre qui fit, dans la décennie 70, les grandes heures de sa filmo. De Police python 357 (1975) au Choix des armes (1981), le cinéma hexagonal avait trouvé un nouveau maître du polar « à la française », quand Melville venait tout juste de jeter ses derniers feux (Un flic).

Vingt ans après, et passé une période de vaches maigres pour la série noire made in France -et alors que le ciné indépendant US renouvelait sensiblement le propos -, nos réalisateurs nationaux viennent de nous rassurer sur leur capacité de réactualisation du genre, et de quelle façon ! Marrant, d’ailleurs, qu’à l’inverse des States (Scorsese mis à part), ce soient plutôt, ici, nos « vétérans » qui s’y soient collés : Tavernier et Téchiné au tout premier rang, avec deux longs admirables, l’un dépoussiérant notre vision Navarro-Lescaut du quotidien fliquesque (L627), l’autre éclatant la grammaire traditionnelle du film policier (Les voleurs). Et c’est la que réside la fausse bonne idée -et première infortune- de ce Cousin-là : même écrite par le scénariste -et ex-cop– des deux opus suscités (Michel Alexandre), cette histoire d’un flic sous influence d’une balance aux allures tranquilles de bon gros papa ne nous apprend hélas plus grand chose de ce que l’on commence à bien maîtriser. Que les flics ont souvent le teint pâle, le poil mal rasé et des emplois du temps pas très conciliables avec une vie de famille bien rangée ; que, flic ou voyou, la frontière est souvent ténue ; que, pour restaurer dans son honneur un pote tué par le système, tous les coups sont permis, etc, etc. Tout cela, évidemment, raconté avec l’impeccable savoir-faire de maître Corneau -après, cependant, une ouverture qui laissait entrevoir le pire (merci pour le suicide calibre au fond du gosier et la cérémonie funèbre (des)servie par le ralenti et une chanson naze…) L’action lui va, à coup sûr, beaucoup mieux, que la psychologie à trois francs six sous, ce qui nous vaut notamment quelques scènes de filature tirées au cordeau.

Car, puisqu’il est question de psychologie, on ne peut pas dire que tous les acteurs y apportent toute la densité adéquate. Ou, pour être plus exact, que le contre-emploi auquel s’est essayé Alain Chabat soit tout à fait concluant. A l’image du flic qu’il tente d’incarner, l’ex-Nul semble à peu près tout le temps largué, nous faisant ses yeux de Didier battu pour simuler le désespoir, convaincant dans ses coups de gueule comme De Funès dans le rôle de Hamlet, et un peu mou de genou partout ailleurs… N’est pas Coluche qui veut, et on ne peut non plus s’empêcher d’imaginer ce qu’un Auteuil ou, hier, Patrick Dewaere auraient apporté à ce personnage. Dommage, car Timsit, lui, dans le rôle-titre, est parfait, Samuel Le Bihan (Capitaine Conan) toujours formidable, et les femmes défendant (bien) ce qu’elles ont à defendre, c’est-à-dire pas grand chose…

Lourdé par quelques clichés, arrivant quelques heures après la bataille, et entaché d’une petite boulette côté casting, ce Corneau fait donc un peu l’effet d’un pétard mouillé. La cible n’était pourtant pas très loin…