Le retour en grâce de Lassie chien certes toujours fidèle, mais franchement plus que désuet (il va sur ses 63 printemps) pose question. Hormis l’animation et autres classiques multidiffusés les après midi de jours fériés sur M6, où en est le cinéma pour enfants purement voué à l’émerveillement et à la féerie ? Nulle part est-on tenté de dire, tant l’industrie cherche à divertir le public junior tout en préservant les parents qui les accompagnent, via un cynisme ou un second degré qui tire de plus en plus la couverture à lui. D’où ce retour à la case départ, la case Lassie, quintessence du genre et recette miraculeusement imperturbable, sorte d’axiome du film pour enfant que rien ni personne (époque, cinéaste) ne peut contrarier. Le réalisateur Charles Sturridge l’a bien compris et se charge d’un hommage vibrant, relecture au sens primitif du terme, telle une grand-mère qui raconte encore et encore la même histoire à son bambin.

Il restitue notamment l’histoire à ses origines, en pleine Deuxième Guerre mondiale sur fond de conflit social latent entre un village de mineurs et son propriétaire, vieil excentrique d’un cynisme à pleurer mais au fond bon bougre. Sa jeune nièce jette son dévolu sur Lassie, toutou d’une sympathique famille de prolétaires dans le besoin. Qu’à cela ne tienne, la mort dans l’âme, le canin est rapidement échangé contre une grosse liasse. Seulement voilà, Lassie, esclave naïf et primaire des affects humains, revient inlassablement dans son foyer initial. Le film n’est d’ailleurs que cela : une seule scène (le retour en arrière), mouvement répété mille fois, à la limite de l’expérimentation pure. Il faut dire que la mise en scène contribue à cette structure cyclique, s’en tenant au minimum du lyrisme animal, de peur sans doute de se cogner contre tous les clichés de la réclame Canigou.

Peine perdue, il y a trop de Royal Canin dans Lassie pour qu’on puisse l’oublier, ce qui n’est au fond pas si désagréable : la nature hostile et envoûtante domptée avec noblesse par le clebs (les panoramiques des midlands d’Ecosse sur fond d’une musique aux relents du Professionnel d’Ennio Morricone), la fameuse fidélité qui attire le cabot vers son maître. La féerie naît davantage de ces scènes que des laborieuses séquences de liant, entre humour balourd et burlesque de fête à neuneu, où les humains tentent de trouver une place de choix. Au hasard du scénario, certains sont assez gâtés, comme le personnage du nain itinérant au cours d’une séquence ouvertement picaresque que le film aurait eu tout intérêt à exploiter davantage, d’autres sont abandonnés au bout de quelques minutes comme de vulgaires bâtards sur une aire d’autoroute au mois de juillet. Qu’importe, ces maladresses formelles ne viennent pas perturber le ronronnement de Lassie, produit ouvertement conservateur (au lieu d’acheter le chien, le patron achète son maître à la fin), mais dont l’esprit suranné le ferait presque passer pour un ovni.