Consacrant les retrouvailles du tandem Spielberg / Zemeckis à la production, Monster house affiche une envie de moderniser leurs oeuvres communes. Ce qui tend à prouver que le projet porte davantage la marque d’un Zemeckis, le réformiste du duo, plus obsédé que son aîné par l’expérimentation technique. Le film de Gil Kenan reprend le principe de la performance capture initié par Le Pôle express (nouvelle lubie de Zemeckis), consistant à créer un relief numérique en partant d’acteurs en chair et en os. Au-delà des effets spéciaux, la thématique zemeckisienne est omniprésente ici, au point que Monster house s’impose comme un petit traité théorique : transformer le décor en pivot de la mise en scène, s’infiltrer au plus près de la normalité américaine (valable aussi pour Spielberg) et des fondements (chéries) du cinéma américain.

Le film reprend donc un terrain de jeu bien connu : la banlieue pavillonnaire, petit théâtre féerique des années 80. Le jeune Dj passe ses journées à observer de sa chambre les manifestations surnaturelles de la maison d’en face, habitée par un vieil acariâtre qui confisque les jouets des enfants s’aventurant sur sa pelouse. Alors qu’il se trouve lui-même confronté à l’ire du voisin psychopathe, ce dernier fait un malaise. Une ambulance emmène le méchant hors champ : le moment est venu d’explorer la fameuse demeure. C’est finalement là que le bât blesse, au moment où le film attaque le coeur du morceau. On sent une retenue mal dissimulée par un suspens opportuniste. Accumulation des seconds rôles (qui disparaissent de l’écran aussi sèchement qu’ils sont venus), stratagèmes foireux entretenus par une obsession de la vraisemblance, l’écriture va à l’encontre de la forme, dont le pouvoir semble pourtant n’avoir aucune limite.

C’est bien dommage, car sans jamais atteindre l’élégance de son maître, Gil Kennan s’en sort proprement. Il vivifie le script comme il peut, avec une brutalité de forain apportant au film un « poids » graphique qui fait beaucoup dans le pouvoir d’incarnation numérique. Une densité due aussi à la performance capture, redéfinition troublante du relief digital, surface auparavant légère comme une plume, comme gorgée d’air qui trouve ici une matérialité à mi chemin entre le moelleux et l’osseux. De quoi palier les carences d’une écriture trop hachée, tentée par la psychologie et la poésie burtonienne. Totalement hors-sujet pour un tel programme qui ne décolle vraiment qu’au cours de la dernière bobine, quand le récit trouve enfin une droiture dynamique, débarrassée de toutes afféteries. Parfaitement réveillée, la maison se dévisse de son carré de pelouse et déplace l’action dans un réceptacle primitif (un chantier), ou chaque mouvement peut enfin se déployer.