La sortie de La Vérité si je mens 3 a d’emblée le mérite de venir rappeler que bien avant Bienvenue chez les Chtis ou Intouchables, c’est le petit film de Thomas Gilou qui, à la fin des années 1990, rouvrit le bal de la grosse comédie française qui cartonne. On peut même avancer que Munz et Bitton, les deux heureux scénaristes, ont fourni là à leurs camarades du rire une matrice scénaristique imparable sur le thème de L’Autre et du Même : le goy Anconina cherchant à entrer dans la communauté séfarade du Sentier annonçait aussi bien le Parisien Kad tombant sous le charme des Chtis que le banlieusard Omar sauveur de la bourgeoisie parisienne coincée. Rien de très neuf d’ailleurs, c’est toujours la bonne vieille histoire des différences socioculturelles qui se rapprochent sur l’autel de l’amour et de l’amitié, et Munz et Bitton ne faisaient que mettre leur pas dans le pas de leur grand-père Gérard Oury, l’homme de Rabbi Jacob, première farce confrontant la France moyenne et le monde juif. Le problème est que ce refrain est tellement invariable pour les comédies françaises à succès, qu’on se demandait un peu ce qu’une Vérité si je mens 3 allait pouvoir apporter au royaume du gros rire, au-delà de la promesse toujours rejouée du divertissement pour période de crise. Or, si cet opus 3 clôt la trilogie sans déshonneur, on a quand même surtout l’impression d’avoir affaire un paresseux remake du 2.

Après un générique aussi hideux que coûteux, sorte d’enseigne tape à l’œil aux effets cheap faussement vasaréliens, la première scène fait craindre le pire : la cérémonie d’inauguration d’un magasin chinois à Aubervilliers suivi d’un échange joué sans conviction – première journée de tournage ? – entre deux personnages, Eddy (Richard Anconina) et un de ses collègues, chef d’entreprise séfarade qui lui dit de se méfier des Chinois qui envahissent Aubervilliers et menacent le commerce. Les mots d’auteur antichinois fusent, et on redoute le pire, d’autant qu’esthétiquement, c’est du Veber dernière période – on se demande où est le chef-op. Côté dialogues, on est chez Bigard. Il faudra un jour plancher sérieusement sur l’absence d’ancrage réaliste des comédies françaises, vaste crachoir de répliques et de mots d’auteur censés faire mouche au milieu d’un décor sans âme et surtout sans âge. Etrangement, et malgré la nouvelle donne chinoise d’emblée évoquée, il est presque impossible de dater le film – éternel problème du rire français, ce côté Hibernatus, l’amnésie du réel, le rire au milieu d’un grand nulle part. Même pour le grand déplacement de l’équipe à Shanghai, pas une once de présence des lieux, les scènes de restaurant chinois auraient pu être tournées en studio à Bécon-les-Bruyères. D’ailleurs, c’est probablement le cas.

Heureusement, le reste vaut un peu mieux que ce début catastrophique. Certes, il n’y aura jamais de mise en scène autre que fonctionnelle, mais le scénario développe une petite originalité : il déjoue la piste prévisible du scénario antichinois. Les films de Dany Boon ou Toledano / Nakache reposent essentiellement sur un récit de l’Autre moqué – ici, les parisiens névrosés, là, les parisiens friqués – au nom d’une chaleur humaine retrouvée grâce à l’amour ou l’amitié entre des êtres que tout séparait. Le fameux bien-être diligemment offert au public et par lequel on explique leur succès viendrait de ce sincère rapprochement des contraires, son grand principe de réconciliation. Or, l’intérêt des Vérités 1 et 2 était de faire exister cette amitié de groupe comme une façade. Leur ressort comique permanent venait de ce que la cohésion des amis, sa réussite économique et sa bonne humeur tant appréciée par le public reposait uniquement sur des mensonges. La bonne idée de ce numéro 3 est de faire endosser le rôle du méchant au plus sympathique de la bande, Serge Benamou, lassé de jouer les faire-valoir attachants et avide de gloire et d’argent. Choisissant de faire alliance avec l’ennemi de ses amis, il échappe un temps à la potacherie habituelle pour prendre au sérieux sa carrière avec un premier degré qui ne lui ressemble pas. Le coup de théâtre final et plutôt inattendu confirme l’hypothèse originelle de la série : le mensonge comme gage de l’amitié retrouvée. Cela reste un artefact de comédie, mais il a le mérite d’être moins putassier que le slogan, martelé ailleurs, de l’amitié universelle. La conclusion qui montre les amis retrouvés autour d’un site Internet où se multiplie la vente de chaussures achève de situer le film dans un néo-libéralisme décomplexé et fier de l’être – c’était donc ça, l’amitié avec les Chinois !