Colin Firth n’a pas eu le temps de passer au Gymnase club avant de s’engager pour La Dernière légion. Il y interprète un général romain qui sauve l’héritier de l’empire, retenu prisonnier par une horde de figurants à moumoutes et casques à cornes qui se battent très très mal. Assisté d’une guerrière orientale (la top indienne Aishwarya Rai) et d’un mage aux pouvoirs magiques très pratiques pour accélérer l’intrigue (Ben Kingsley avec une barbe en synthétique), ils fuient l’ennemi vers la Grande-Bretagne où réside la dernière légion romaine résistant encore et toujours à l’envahisseur. Seulement voilà, la cohorte est dissoute, les derniers irréductibles préférant rester sous le joug du terrible chef barbare local, qui porte un masque très très moche et en veut personnellement à Kingsley. Il est également question d’une super-épée mythique, mais chut, c’est un secret.

La Dernière légion répond en tous points aux critères de l’authentique nanar. Ce qui signifie qu’on peut le savourer à sa juste mesure de même qu’un Donjons et dragons 2, voire un Vercingétorix. Sans doute au-dessus de ces deux-là d’un point de vue casting, le film de Doug Lefler possède même une petite touche tragique qui le rend encore plus irremplaçable. Parce que si le nanar est souvent un objet gentil, aveuglé par sa mégalomanie ou sa bonne humeur, il souffle sur La Dernière légion une brise de déception, sorte de lucidité froide, qui ne le quitte jamais.

Car si le projet semble d’avance prodigieusement bancal (production europudding, cinéaste issu de Xena la guerrière), l’illusion d’un sous-Gladiator humble et raisonnablement manufacturé dure un bon quart d’heure. Après tout, Colin Firth-Ben Kingsley n’a rien d’une doublette Van Damme-Lambert, l’intrigue promet querelles de palais et aventures picaresques. C’est justement quand le film se frotte à l’action pure que le masque se décolle. Chorégraphie foireuse, découpage catastrophique, costumes surréalistes, tout part en sucette. Désastre relatif puisqu’en pénétrant les entrailles du genre, le second degré rend le spectateur indulgent. Reste une lucidité à la fois glauque et hilarante, l’oeil ravagé de honte de Colin Firth qui, boudiné dans sa tunique, apporte une touche d’existentialisme au film.