De la vision d’Un Homme perdu à Cannes (à la Quinzaine des réalisateurs, en 2007), le trafic des souvenirs nous ramène une impression bizarrement voisine de celle du Tehilim de Raphaël Nadjari. Association indue (il y a peu en commun, sur le fond, entre ces films), réflexe de survie festivalier probablement, mais quand même, on se rappelle bien avoir été pris, au sortir des deux projections, dans les feux croisés du même genre d’impression contradictoire. Impossibilité, d’abord, de les défendre vraiment. La faute au label auteur, très MK2 style, qui les accable de bout en bout, leur vaine ambition de nous faire prendre leurs vessies pour des lanternes éclairant la marche du monde, cette façon de chuchoter à voix haute que leurs silences racontent tout plein de trucs essentiels, qui sur l’Histoire et la filiation, qui sur le désir et puis l’altérité et puis l’époque. Dès qu’ils font mine de réfléchir, à chaque fois qu’ils enfilent les habits trop grands pour eux du contexte qu’ils voudraient prendre en charge, Tehilim comme un Homme perdu (surtout celui-ci, pour le coup), se plantent.

Reste que c’est précisément quand leur vacuité s’assume un peu que ces deux-là font la meilleure impression. Difficile en effet de nier le plaisir qu’on a pu avoir à flâner dans leur éther, à se laisser embarquer dans leur cotonneuse déambulation en laissant sur le bas côté l’exposé existentiel un peu lourdingue. Mérite incontestable de leurs images, petites mais accueillantes, creuses donc habitables. Ainsi va le film de Danielle Arbid, déambulation branchée cul au Moyen-Orient, guidée par Melville Poupaud (plutôt très bien, comme souvent) et Alexander Siddig (vu dans Syriana et 24), et vaguement inspirée par les trajectoires du photographe borderline Antoine D’Agata et des récits de William T. Vollmann. Gonflant les rares fois où ça cause (même à l’ombre des palmiers cannois, difficile de ne pas être aveuglé par les néons qui devaient arroser le dossier d’avance sur recette : choc des cultures, quête identitaire, altérité, etc.), mais élégant et aérien (belle photo, chouette musique). Dès que ça se tait et que le film se laisse glisser sur sa pente purement sensualiste, il regarde ses décors, capte non sans un certain raffinement l’espèce de vapeur moite qui les baigne tout du long. S’il fallait, donc, résumer tout ça avec le vocable ad hoc, on dirait : film en apesanteur. Manière, au choix, de louer sa volatilité, ou de rappeler qu’il ne pèse pas bien lourd.