L’Autre, le dernier film en date de Youssef Chahine, reprend les ingrédients qui ont fait le succès du Destin, mais transposés cette fois-ci au cœur de l’Egypte contemporaine. Adam (Hani Salama) est tiraillé entre ses parents, capitalistes véreux flirtant avec les intégristes, et son amour pour Hanane (Hanane Tork), jeune journaliste cherchant à dénoncer cette même corruption dont le pays est victime. Pépé Chahine ne se renouvelle donc pas des masses : à la clé de L’Autre, militantisme politiquement correct (à bas les américanophiles, vive les vraies valeurs humanistes : en gros, amour, kebab et beauté), mise en scène plan-plan et lyrisme d’une naïveté confondante. Mais ce dernier point, qui fait d’habitude tout le charme du cinéma de Chahine, ne parvient pas ici à prendre son essor.
Pourtant, le cinéaste Égyptien s’est en quelque sorte « mis à la page » en intégrant à son propos des effets spéciaux numériques qui rendent l’ensemble encore plus kitsch. On assiste par exemple à l’édification virtuelle en plein désert d’une église tricéphale (hébraïque, catholique et musulmane) imaginée par les parents d’Adam. Le résultat est grotesque et la magie peine à opérer. Si le manichéisme du Destin était compensé par des séquences chantantes enlevées et jubilatoires, les courtes parenthèses mélo et musicales de L’Autre sont loin de posséder la même force. Celles-ci sont malgré tout à l’origine du peu de plaisir ressenti à la vision du film : les yeux mouillés et les regards languissants des personnages, les paroles mielleuses adoptant la forme d’une fable et le charme des interprètes suffisent à inciter l’indulgence du spectateur. Dommage que les enjeux autour de ces quelques instants agréables ne soient pas introduits avec plus de finesse : l’impact de L’Autre en aurait été décuplé…