Dans le genre supercinéma-tartiflette, L’Autre Dumas tient pas mal de couches : duel de mastodontes d’origine contrôlée que tout oppose (la citerne Depardieu face à un Poelvoorde en mode Actor’s studio, sombre et introverti), romanesque gargantuesque, plaisir échevelé du film en costumes et des joutes verbales d’un genre qui demeure, avec la comédie beauf, le plus solide pilier de notre fonds-de-commerce populaire. Il y a dans ce mélange de buddy-movie flatulent (la vie du célèbre nègre de Dumas, Auguste Maquet, dans l’ombre d’un écrasant génie) et de cape-et-d’épée façon Hunnebelle (les semaines précédant la révolution de 1848) un équilibre qui fait pourtant parfois songer au meilleur de ce qu’a pu produire l’ORTF de la grande époque – mix improbable de prétention au documentaire pédagogique et de réjouissante trivialité, écriture relativement soignée, interprétation soufflante malgré son absence totale de retenue (Poelvoorde est énormissime en coincé habité, Depardieu assure en méga-porc grotesque, soiffard et libidineux).

Un bon « film du milieu » ? Ne poussons pas : L’Autre Dumas aurait pu être réalisé par un sapeur pompier, un électricien ou Gérard Cuq qu’il serait probablement identique à ce qu’en fait Safy Nebbou. L’ensemble est comme vidé de tout élan de mise en scène, suivant avec une bonhommie de petit élève bouffi les circonvolutions d’un scénario jouant assez malicieusement sur des effets de trompe-l’œil et de dédoublements (en gros : un quiproquo géant qui fait passer Maquet pour Dumas pendant trois quarts du film). Presque un programme de ce qu’il est condamné à rester : malin mais tristement mécanique, rivé à son statut de faux grand film à thèse se complaisant dans une certaine médiocrité (réhabilitons Maquet). Et puis il y a cet imparable effet Michou, vrai virus burlesque du biopic franchouillard : c’est ici Dumas et la génération des romantiques (impayable Nerval qui débarque au cours d’une soirée au château de Monte-Cristo) comme avant lui Coluche, Sagan, Gainsbourg et en attendant Pétain, Dorothée ou George Marchais.