Il ne devrait pas y avoir, à proprement parler, de films de scénaristes. Certains qui, un jour, font des films étaient jadis plombier, chef d’entreprise ou professeur de philosophie. Ça ne leur est pas forcément d’une grande utilité sur un plateau, mais il n’est pas prouvé non plus que ça le soit vraiment d’avoir planché dans l’ombre sur quelques répliques acérées, coupées plus tard au montage. On s’en tire donc comme les autres, avec des qualités de cinéaste, qu’il faut démontrer, forcément, un peu plus. Bonitzer, il y a peu, a su marquer quelques points sur ce terrain. Quoique plus trop jeune, il a fait un film assez fringant.
C’est tout le contraire de Rémi Waterhouse : pas très vieux, ni encore trop galonné comme scénariste (Bellon et Leconte, on voudrait pas dire…), il a réussi un parfait film de vieillard, de ceux qu’on ne laisserait même pas faire à quelque routier du cinéma giscardo-pompidolien de notre enfance (et d’ailleurs, ils n’oseraient plus). Tout y est : la pseudo-province de toujours, l’anarcho-poujadisme en guise de philosophie, les plans gagne-petit, le montage peine-à-jouir : on ne dira pas, pour une fois, que le fond ne soutient pas la forme. C’est d’ailleurs l’unique aspect un tant soit peu singulier du projet : « Je règle mon pas sur le pas de mon père », tu l’as dit !, on n’a jamais vu programme si franchement annoncé. Il est vrai que tout le monde n’a pas un père aussi chargé que Sauveur, le héros du film, qui, parti à la recherche de son concepteur, tombera sur l’éternel Jean Yanne, dans son éternel rôle de vieux cynique débrouillard et ronchon, en l’occurrence occupé à arnaquer à la petite semaine tout ce que la fausse province susmentionnée compte de fausses figures ordinaires. On se dit à tout instant qu’il n’est vraiment pas obligé d’attacher ses pas à une aussi médiocre (et fantomatique) figure paternelle -même un psy ordinaire ne lui en ferait pas le reproche, la vie est si courte.
On imagine que personne, non plus, n’a forcé Rémi Waterhouse à mettre ses pas dans une aussi piètre lignée cinématographique, d’où le mystère… Ceci d’autant plus qu’il semble se le dire à lui-même dans une des moins poussives séquences du film : Bertrand, le père de Sauveur, a besoin, pour une de ses arnaques, d’un tombeur qui séduise une jeune et sémillante photographe. Il engage pour ce faire un vieux play-boy dépassé (Yves Régnier), dont ce fut jadis la spécialité. Celui-ci échouera, bien entendu, lamentablement, et c’est Sauveur, en bon jeune premier de son temps, qui emballera la victime. Comme quoi, la séduction (et plus, si affinité), ce n’est pas vraiment une affaire de vieux con. Pourtant, Rémi Waterhouse a choisi son camp : il préfère finir vieux-beau avant d’avoir commencé à plaire.