La scène jungle est en pleine ébullition, chaque jour de nouveaux styles naissent, de nouveaux producteurs apparaissent, cette musique est celle du futur, etc. Voilà ce qu’on lisait ou entendait il y a peu. Mais la jungle -musique de genre ?- n’évolue pas tant que ça. La jungle s’essouffle. Récemment, les efforts de Goldie, Grooverider, Photek ou 4 Hero ont surpris, décontenancé et finalement déçu. Heureusement, quelques outsiders mettent un peu de piment dans la sauce basse-batterie : Alec Empire la violente, Twisted Science la salit et Norman Beale (Decoder) l’emmène au cinéma.
En effet, loin des kitscheries stylistiques d’un David Arnold, la musique de Decoder est véritablement celle d’un James Bond mâtinée de Brown de cette fin de siècle : elle fait surgir les images aussi facilement qu’eux ont la classe. Ainsi, Dissected et Stash évoquent le climax d’un film d’action, avec toute la violence d’un drame efficace. Nitrus, Hacker et Hacked font penser au Hidden camera de Photek, avec plus de suspense et de sueur. Partout dans le disque, l’utilisation de contrebasses, de cordes, de cuivres font monter la tension et frétiller l’imagination. Downtime se déroule dans les égouts de New York 1999 (ça tombe bien), Vapour dub n’est pas dub et enfin Defenceless, seul titre vocal, ne convainc pas.
En clair, s’il se passe encore des choses dans la jungle, c’est plutôt du côté de gens comme Decoder. Même si Dissection n’est pas, comme le signale The Wire de décembre 1998, « un des meilleurs albums de drum&bass de l’année » (tout simplement parce qu’on attend toujours un grand disque dans ce genre), il est néanmoins un disque très réussi, aussi percutant que pertinent, aussi puissant que malin.