Deux hommes d’affaire traversent une région montagneuse d’Autriche à la recherche d’une usine. Une région que le plus âgé a connu jadis : dès lors, il ne peut plus s’empêcher d’évoquer son passé dans un flux ininterrompu de paroles. Il y a quelque chose de tragique dans la manière dont la violence anarchique de l’Histoire, racontée oralement, vient buter contre l’ordonnancement impeccable de ces paysages, que l’autre personnage découvre à la manière d’un touriste. Sous ses airs un peu raides (étrange rapport homothétique de ces cadres tracés au cordeau et de ces lieux sagement rangés), Home emprunte des chemins pas loin d’être déchirants, avec cette idée que seuls les mots permettent d’échapper à l’acculturation et à la singulière neutralité des paysages, aux choses qui irrémédiablement disparaissent même quand tout est encore en place.

La logorrhée, la machinerie verbale, l’homme qui parle, parle encore et encore, comme s’il fallait évacuer cette biographie trop grande pour un seul corps (ce pourquoi le vieux continue d’évoquer ce passé à voix haute, même quand le jeune a déserté), tout cela trouve son parfait contraire dans le silence du jeune homme, dont le corps en attente de biographie semble ne porter aucune trace de passé. Où comment un corps théâtral (mu par la voix, une mécanique rodée de mots et d’intonations) livre à un corps de cinéma (qui existe par sa seule présence à l’image, sa relative nonchalance, sa manière distanciée d’écouter) quelque chose de son expérience.