Pierre Forêt, chauffeur de salle, séquestre Clovis Costa, rock-star genre Johnny Hallyday, l’idole de sa vie pitoyable, non, médiocre, c’est pire. Un comique borderline pète un fusible : l’allégorie Younesque est assumée dès le départ, comme le parti pris de filmer à la roots, ce qui revient, selon le réalisateur Bruno Merle, à partir en vrille – « ouais, il est ouf mon film ». Libérer les énergies, tel est le maître mot de Héros, objet naïf d’une faiblesse implacable, qui fait mal aux yeux et donne mal au crâne. Rarement le cinéma français n’aura enfanté d’un tel amas de souffrance, un peu comme un crash qui ne se termine jamais.

Qui d’autre que Michael Youn pouvait incarner ce syndrome de l’injustice créative ? On le savait depuis Incontrôlable, le trublion mégalo se cogne contre son incapacité à transmettre un fluide, une consistance. La glauquerie Younienne, ce n’est pas la vulgarité ou le cynisme, mais cette dichotomie, que l’acharnement rend profondément pathétique, entre ambitions énormes et moyens rachitiques. On s’imaginait naïvement que le côté huis clos de Héros l’arrimerait à une sobriété studieuse, et qu’ainsi harnaché aux conventions du genre, il pourrait s’en tirer avec la même efficacité que dans ses clips parodiques. Mais non, très vite, on comprend que l’impuissance du comique mégalo est flattée par Bruno Merle, alter ego réalisateur, qui recopie laborieusement le best of du cinéma coup de poing, à la manière d’un Aronofsky mongolo ou d’un Lynch qui aurait paumé son talent.

Donc, Héros se coltine deux performances ratées pour le prix d’une. Celle de regarder Youn (la curiosité s’arrête à la première hystérie du personnage à flingue et à poil), lequel se condamne à une excellence mal dessinée, entre Actor’s studio et portrait détourné qui critique grave la société du spectacle. Celle de regarder Merle, spectateur « éclairé » qui prévient oralement son héros de la réalité vraie (« t’es mal, Pierre », « j’existe pas, Pierre »), mais se livre au même délire bruyant : tentatives esthétisantes improbables ou trop compliquées pour lui (les compositions murales de scotch déménageur, un must de mocheté), expérimentation dédiée au rafistolage ou à l’épate (le banc de poisson inséré à chaque défenestration ne vaut pas le split-screen d’un face-à-face d’un mètre de distance entre Youn et Chesnais). Théoriser l’échec c’est bien, encore faut-il y parvenir. Sinon, on pleure, à moins de se vautrer dans une aveuglante autosatisfaction.