Baltimore, années 60 : contre toute attente, la boulotte Tracy fait un malheur au show télé local où elle tente d’imposer la communauté noire, exclue du programme dirigé par une Michelle Pfeiffer bien réac. Hairspray était en 1988 une comédie musicale de John Waters, devenu depuis un carton sur les planches de Broadway. Aujourd’hui, c’est un film d’Adam Shankman. C’est-à-dire l’antithèse exacte de Waters. Shankman a commencé chorégraphe de clip et s’est illustré en roitelet de la comédie ketchup (Baby-sittor, 13 à la douzaine) quand le pape du mauvais goût fait dans la dégustation de crottes de chien (le mythique Pink flamingos). Hérésie totale, donc.

Seul élément légèrement disgracieux, le retour de John Travolta au genre qui l’a fait roi, dans le rôle de la mère de Tracy, repasseuse noyée dans sa graisse, soudain décomplexée par le succès en radio crochet de sa fille. A côté de Divine, qui tenait le rôle dans le film originel, c’est assez fade. D’autant que son numéro, tout en cabotinage et en prothèses de cabaret, se déballonne fissa. Bizarre ce Travolta, diamant brut qu’un cinéaste sur trois a su tailler proprement en trente ans de carrière. Contrairement à Kevin Costner, monolithe classique imperméable aux nanars, Travolta tient plutôt lieu d’icône suppliciée : sa silhouette du moment, sa complicité avec le metteur en scène dictent à peu près tout. Le retrouver aujourd’hui en écho boursouflé de son propre mythe indique que son baromètre perso est en chute libre, l’aiguille balançant entre ringardise et légère compassion.

Il faut bien se raccrocher à lui, le film n’offrant pas grand chose de plus, sinon rien. Shankman a fait ce qu’on attendait de lui : un film réglé comme une horloge, très clean, réservant outre Travolta, une minute de délire bien formaté pour chacun (Michelle Pfeiffer, Christopher Walken), des chorégraphies en forme de fable sur l’intolérance. C’est gentil, trop gentil. Waters s’est dissout dans le système, il apparaît bien en guest star en ouverture, mais son esprit est resté à Baltimore, le vrai Baltimore, crado et mal filmé, pas celui-ci, en carton pâte finement éclairé. Finalement, cet Hairspray-là ressemble à s’y méprendre à Grease, contre-modèle d’origine, célébration nostalgique d’une Amérique organisée et consumériste. Certes, Tracy est toujours grosse, ça cause prout, ségrégation raciale et violence policière, mais Shankman n’y voit que blagues de conserves, filigranes inoffensifs ou progressisme flapi.

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