Il arrive de temps à autre que l’on se demande pourquoi un cinéaste décide de tourner un film à un moment précis. L’exemple emblématique de la production française récente est le Don Juan de Jacques Weber, ineptie totalement éloignée des soucis du temps présent. On peut légitimement espérer d’un film qu’il nous interpelle sur notre période, en enrichissant par quelque biais que ce soit, notre point de vue sur le cinéma et notre sensibilité. Hélas, on a beau chercher, on ne trouve rien de tout cela dans le nouveau film de Pierre Jolivet, à qui l’on doit pourtant Fred. La nouvelle version d’En cas de malheur, réalisé par Claude Autant-Lara (adapté du roman de Georges Simenon) il y a plus de quarante ans, ne parvient pas à convaincre. Cette histoire assez classique d’un avocat d’âge mûr, quittant son épouse froide pour une aventure sans espoir avec une jeune femme poussée dans la délinquance, est servie par une mise en scène et un scénario qui ne transcendent à aucun moment le film. Il ne reste qu’à l’état de « signe » ; parfois même à l’état de « signe extérieur ». Ainsi, l’avocat est brillant et riche : on le voit dans une voiture luxueuse téléphoner d’un portable à un confrère qu’il menace d’un procès ; sa femme, sculpteur, est d’une beauté glaciale : entre deux appels à New York, elle sculpte des visages longs et sans passion ; la jeune fille vit dans une situation précaire : elle ne parle dès le début du film, que d’argent et de loyer à payer…
Tout fonctionne ainsi. Tout nous est dit et notre imagination n’est à aucun moment sollicitée. Le film se déroule devant nous comme les pages d’un scénario rigoureusement écrit. Il y manque l’essentiel : du rythme et de la vie.