Diana Ross, paraît-il, est furax. Et on la comprend, à la vision de ce Dreamgirls, biopic anémique à propos de ses jeunes années au sein des Supremes. On susurre même qu’elle se serait jurée de tout faire pour empêcher Beyonce, elle-même fille naturelle, via les Destiny’s Child, du combo Motown, d’intégrer la course aux Oscars pour sa prestation. Pas très fair-play de la part de Miss Ross (nominée à l’époque pour un biopic sur Billie Holiday), mais peu de risques de toute façon (quoique), vu comme est tartignolle la performance de la petite copine de Jay-Z au sommet de cette triste pièce montée.

Soit Dreamgirls, donc, faux biopic et vraie leçon de choses moche sur le miroir aux alouettes du chôbizness. Faux biopic parce que le script, adapté de Broadway où le show fut un succès au début des 80’s, prend quelques libertés avec l’histoire soul qu’on a apprise dans les livres. Exit Diana Ross, bonjour « Deena Jones » ; bye bye les Supremes, hello les « Dreamettes », et ainsi de suite, dans une grande ronde d’avatars qui ravira les mélomanes nostalgiques du « Qui est qui ? » (mais qui sont ces cinq frangins coiffés afro dont le plus petit danse comme un dieu et bave d’envie devant Deena ?). Exit aussi les rudiments habituels du genre : pas de trauma enfantin, pas d’enfance du tout, d’ailleurs. C’est que l’ambition du film est ailleurs. Outre le chromo chiche sur l’époque et l’épopée de la black music (rapido : les filles avaient des choucroutes, Martin Luther King un rêve et Détroit des usines automobiles) et les piteuses parties chantées, c’est d’un éternel du star-system, son univers impitoyable, qu’on veut parler via cette Motown qui ne porte pas son nom.

L’argument pioche dans l’histoire véridique des Supremes, s’inspirant du moment où Berry Gordy (ici Jamie Foxx, sous un autre nom) a finalement imposé Diana en lead singer au détriment de Florence Ballard, qui avait plus de coffre mais un moins joli minois. Ivre de jalousie, Ballard finira par se faire virer. Comme dans Dreamgirls, qui se voudrait commentaire pailleté sur la dure loi du spectacle (Florence / Effie est jouée par une lauréate d’American idol), mais ne peut se retenir de réconcilier tout ce petit monde sur scène dans son dernier quart d’heure en offrant au vilain petit canard le rôle de lead singer qui lui est dû. Dans la vie, la vraie, Florence est morte dans la dèche et quand elle est finalement remontée sur scènes avec les Supremes, elle a joué du tambourin. Le principal problème du film, qui n’est pas le seul, est finalement voisin de celui qui s’était posé à Berry Gordy ; mais Dreamgirls, trop poli pour faire un choix, ne s’intéresse à aucun de ses personnages en voulant s’intéresser à tout le monde. En ressort une vilaine purée sans forme et surtout sans âme, ce qui est un comble pour un film sur la soul music.