Si on aime bien Dans Paris, le troisième long métrage de Christophe Honoré, il faut avouer qu’on reste un peu circonspect devant le florilège de superlatifs qui ont fusés après son passage à la Quinzaine des Réalisateurs 2006. Dans Paris s’inscrit dans une certaine orthodoxie française du film de et sur la famille, même s’il le fait de manière infiniment moins pataude que, par exemple, les films de Nicole Garcia. Tout ce qui tient généralement d’un petit réalisme académique, avec ce que cela suppose de sur-lisibilité psychologique, de morceaux de bravoure dialogués et de sérieux de pape est ici dynamité par la volonté de ne jamais vraiment s’appesantir, de toujours s’accrocher à quelque chose de ludique, voire de futile.

De ce point de vue, Dans Paris joue sa note avec une légèreté et une célérité qui tient en partie à la présence de Louis Garrel en funambule sans attaches. Ombre (Romain Duris, pour une fois vraiment excellent) et lumière (Garrel), pesanteur des sentiments et insouciance rêveuse, le film oscille sans cesse entre ces deux pôles. Avec son art consommé du montage, des enchaînements souples et fugaces, Dans Paris est un film plaisant, où le drame est toujours enrobé d’une certaine ironie burlesque (le suicide raté de Romain Duris), ce qui n’est pas dénué d’une certaine élégance. Pourtant, notre poil se hérisse quand on entend parler de modernité à son sujet. Formellement, le film est un décrochement des différents procédés narratifs et esthétiques de la Nouvelle Vague (incursion soudaine dans la comédie musicale, rupture de tons, look sixties de l’appartement du début…) sans jamais les réinventer (à la différence d’un Wong Kar-wai lorsqu’il réalise Chunking express).

Il y a une certaine volupté à se retrouver ainsi en terrain connu (la Nouvelle Vague, c’était il y a un demi siècle, tout de même !), mais il ne s’agit au fond que d’un habile recyclage. Il est possible qu’Honoré ne soit pas dupe du côté Bon Marché / Tour Eiffel / Ponts de Paris de son film (plus cliché tu meurs), mais peut-être faut-il également y voir une façon de rentrer dans le rang d’un cinéma bourgeois, certes virtuose, mais calibré. La présence de figures tutélaires en la personne de Guy Marchand et Marie-France Pisier n’est d’ailleurs pas étranger à l’affaire, même si chez Honoré les pères et mères sont davantage losers et décalés que l’objet d’un respect obéissant. A dire vrai, on regrette un peu le Honoré de 17 fois Cécile Cassard et de Ma Mère dont les tentatives formelles, quoi qu’on en pense, étaient beaucoup plus audacieuses et contemporaines.