L’argument de Click est alléchant : un architecte accro au travail, incapable de trouver du temps à consacrer à sa famille, rencontre un homme qui lui procure une télécommande universelle, laquelle va lui permettre de gérer sa vie comme il l’entend : il peut en effet à loisir arrêter le réel, retourner en arrière, couper le son et même passer directement à la fin d’une scène de ménage sans avoir à la subir.

Coups de coudes, clins d’oeil et pouet-pouet au spectateur, le niveau est d’emblée très bas (étonnant de la part du réalisateur du sympathique et enlevé Tour du monde en 80 jours). A ce petit jeu, Adam Sandler est d’ailleurs épouvantable, cabotinant avec un tel narcissisme, une telle fatuité et surtout un tel relâchement qu’il en devient antipathique. Illustration parfaite d’un scénario plutôt inventif dont les trouvailles sont complètement altérées par l’esprit beauf de son acteur (dans la veine du comique gras Eddie Murphy et son Professeur Foldingue étaient mille fois plus drôle), Click est même souvent à deux doigts de perdre son potentiel de comédie conceptuelle à la Ramis (remember Un Jour sans fin) tellement tout le monde est mauvais, jusqu’aux enfants, d’habitude excellents dans le cinéma US.

Pourtant, le film ouvre une brèche dans son denier tiers qui lui donne soudainement une consistance, une intensité qui ravive un peu l’intérêt de cette comédie déplaisante. Cette soudaine plongée dans le cauchemar d’une vie que le héros a passé son temps à éviter, rappelle, toutes proportions gardées, la noirceur de l’épisode surnaturel de La Vie est belle de Capra. Le cinéma hollywoodien est souvent puissant quand il s’attaque à la réversibilité du comique en son inverse cauchemardesque et tragique, quand l’usage comique des choses se transforme en horreur existentielle. Click s’enfonce même assez loin dans cette voie avant de retomber sur ses pattes dans un retournement final prévisible. Rien que pour ça, pour cette capacité à tordre son objet initial et à l’amener là où on ne l’attendait pas, Click vaut le détour. Avant cela, il faut quand même se fader près de 80 minutes de quasi nullité…