Cour interdite, de Djamel Ouahab, fait partie de ces films maladroits que l’on a envie de défendre d’emblée parce qu’ils tentent de montrer autrement le phénomène « banlieue ». D’autant que ce film est très visiblement l’œuvre d’un autodidacte (certains cadrages prêtent vraiment à sourire) et a, de fait, les qualités de ses défauts : la conviction et la franchise.
Dans une cour intérieure située dans un quartier parisien délabré, une troupe de jeunes gens noirs, blancs, beurs, se réunissent pour « tenir les murs », jouer aux cartes ou dealer. L’image en noir et blanc très contrastée et l’utilisation quasi systématique des fondus enchaînés placent le film dans l’univers des années 50. Les vêtements et coiffures font plutôt fin seventies, tandis qu’à la fin du film, un homme meurt du Sida, ramenant encore l’histoire au plus près de nous. Finalement, tous ces indices anachroniques, qui brouillent la lecture, signifient pleinement l’intemporalité de la question de l’exclusion économique et géographique.
Autre élément frappant, le jeu des acteurs (pourtant non professionnels) est fortement appuyé, à l’extrême opposé du naturalisme social, donnant l’impression -renforcée par le fait que l’ensemble de l’histoire se déroule autour de cette cour, en huis-clos- que nous sommes devant une pièce de théâtre filmée, et non une création purement cinématographique.
Enfin, la bonne volonté de l’auteur (retracer sa vision des drames de la banlieue) ne l’empêche pas de reprendre à son compte un discours premier degré que même les brochures gouvernementales ont dépassé : « Pas d’avenir dans la came, la seule issue c’est l’école ». Mais cette naïveté même, comme celle de la mise en scène ou des dialogues, constitue une subtile alchimie qui agit malgré tout, et c’est là précisément l’incroyable réussite de Cour interdite !