Bubba Ho-Tep est une momie qui trouve une nouvelle jeunesse dans une maison de retraite de l’Amérique profonde. Parabole on ne peut plus claire sur la place qu’occupe actuellement Don Coscarelli, petit maître d’horreur des années 80 qui, à l’instar de ses glorieux collègues, en est réduit au revival permanent avec ses aficionados. Ce qu’il y a de bien avec Bubba Ho-Tep, c’est justement cette conscience de la ringardise, cette prescience de ne plus pouvoir avancer vers d’autres cieux sous peine de se renier, de n’être compris que par les « vieux » cinéphages sans pour autant déclasser la jeunesse. Has been assurément, mais pas autiste. Même un cinéaste bien plus doué tel George Romero pourrait méditer ce genre de posture. Alors que l’un est devenu le chouchou de l’intelligentsia distinguée, l’autre n’en finit pas d’écumer les forums sur le Net et de présenter son oeuvre dans les festivals déglingués. Et ça marche, sortie en salles à l’appui : Bubba Ho-Tep peut se targuer d’un improbable statut de film culte.
L’image de la momie n’est toutefois pas le seul signe extérieur de vieillesse réincarnée. Ho-Tep partage l’affiche avec un Elvis Presley toujours vivant comme tant de fans se plaisent à le rêver. Le King fait peine à voir : préférant devenir un sosie de lui-même il y a trente ans, il végète dans un long séjour vermoulu, la hanche pétée assortie d’une « verrue purulente sur la bite ». Assisté d’un vieux barjo qui prétend être JFK (Ossie Davis), il va sacrifier le peu d’énergie qu’il lui reste à zigouiller l’infernal zombie. Assaisonner les vieux restes, tel est le pari du film, qui entend jongler avec les lignes de son cahier des charges, s’extraire d’une certaine torpeur pour capturer ici et là l’étincelle d’une fulgurance. Dans le discours, Coscarelli se complait souvent dans la facilité du dispositif. Il rit tristement de la solitude, de l’encroûtement et des vieux flapis, d’une hilarante symphonie gastrique en plein dîner gériatrique en chroniques triviales du King grabataire.
Facile ? Pas tant que ça car le cinéaste cherche à dramatiser le moindre élément descriptif, traque la scène plus que la posture. La toile de fond est ici capturée par une mise en scène généreuse et ludique qui cherche à en dégager toute la nervosité cinématographique. Et si le film demeure volontairement miteux, ses sursauts fonctionnent à plein régime. Un seul atteint un sommet majestueux, séquence où Elvis tente d’écrabouiller un immonde scarabée : d’un coup, la précision et la grammaire à l’ancienne de la mise en scène retrouvent leurs lettres de noblesse. Savoir-faire artisanal idéalement paramétré, plaisir du crado et de l’angoisse savamment orchestrés, tout le crépitement du cinéma de Don Coscarelli se trouve concentré dans ce fragment de pellicule.