Dernière grosse production française en date, après Le Pacte des loups, Le Placard et La Vérité si je mens 2, Belphégor est bien parti pour connaître le même succès populaire que ses aînés. Avec un budget de 100 millions de francs, une promo menée tambour battant (voir le squat de Canal + par les acteurs une semaine avant la sortie du film), impossible de passer au travers de ce qui nous est annoncé (vendu ?) comme un « événement ». Tout comme celles du film de Christophe Gans, les ambitions de Belphégor sont claires : jouer sur le même terrain que les Américains tout en préservant notre « exception » culturelle. Là où Le Pacte des loups échouait, la greffe ne prenant que moyennement entre la cinéphilie pointue de Gans et les exigences du grand spectacle, Belphégor réussit, en tirant le meilleur parti de sa « franchouillardise ».
Personne n’ignore désormais que le film est l’adaptation d’une série culte des années 60 dans laquelle Juliette Gréco prêtait ses traits au célèbre fantôme. Mais l’origine du mythe de Belphégor remonte à plus loin encore, au temps des cinéromans, avec en 1927 un long métrage en quatre parties réalisé par Henri Desfontaines (auquel Belphégor, version 2001, fait un clin d’oeil en baptisant du même nom l’archéologue qui découvre le tombeau). Le pari du film était donc de retrouver l’esprit de cette légende qui captiva la France de nos parents et grands-parents tout en l’actualisant pour la rendre « crédible » aux yeux des ados d’aujourd’hui. Deux solutions efficaces ont été trouvées : réunir un casting composé de valeurs sûres (Serrault et Marceau) et d’étoiles montantes (Diefenthal), puis, surtout, mettre le paquet sur les effets spéciaux. Alors que l’on craignait une inflation d’artifices grand-guignolesques, la partie fantastique du film est finalement d’une grande beauté plastique avec un rendu très sophistiqué, à l’image de la momie virtuelle, étrange composite de matière gazeuse illuminée qui n’est pas sans rappeler le très beau Hollow man de Verhoeven. L’autre point fort du film est sans nul doute l’humanité des personnages assez bien caractérisés, détail de poids qui manquait cruellement chez Gans. Porté par des acteurs en grande forme et, notamment une convaincante Sophie Marceau dont le jeu très « physique » s’accorde à merveille avec son double rôle, Belphégor tourne à son avantage les nombreux écueils d’un récit qui aurait très vite pu tourner à la grosse farce.
Même si le film (ne nous leurrons pas !) appartient à la catégorie, peu regardante en matière de réalisation, des « divertissements grand public », il possède néanmoins un charme qui tient en grande partie à son héritage, issu d’un fantastique à la française dont les chantres furent les légendaires Judex, Musidora et autres Vampires de Feuillade. Une nostalgie que Belphégor entretient grâce à la cinégénie des décors du Louvre dont effectivement le film n’aurait pu se passer. On peut ainsi très vite se laisser emporter par l’attrait suranné de ce remake dernier cri… à condition, bien sûr, de fermer les yeux sur son cortège de grosses ficelles et d’invraisemblances « égyptologiques ».