A ceux qui ne connaissent pas encore l’univers désenchanté de Garri Bardine, on ne saurait trop conseiller d’aller voir dare-dare ce programme de courts métrages, excellent florilège des multiples talents du cinéaste. Grand nom de l’animation, Garri Bardine compte bon nombre de films à son actif, dont La Nounou (1997) et Le Chat botté (1995) qui ont bénéficié d’une sortie en salles en France. Réunis sous le titre Bardine tous courts, les cinq courts métrages révèlent non seulement la dextérité du réalisateur vis-à-vis des différentes techniques de l’animation traditionnelle comme la pâte à modeler ou le papier découpé, mais aussi ses qualités d’observateur lucide de notre société.
Réalisés entre 1983 (Conflit) et 2000 (Adagio), les films du programme ont en commun une nette propension à verser dans l’abstraction. En témoigne Conflit, fable ironique dans laquelle des allumettes de couleurs différentes se disputent la frontière d’un espace nu. Deux échantillons de moquette et quelques brindilles de bois suffisent à Bardine pour mettre en branle un conflit qui reprend toutes les tristes péripéties (le combat d’homme à homme, puis de groupe en groupe, l’arrivée des chars, et le massacre final) de nos guerres territoriales. Dans Le Mariage (1987), c’est la vie en couple de deux bouts de ficelle qui subit le regard acide du cinéaste, avec cette trouvaille maligne : montrer l’usure de l’union par l’érosion du câble qui donne forme aux protagonistes.
Garri Bardine est capable de donner vie à n’importe quelle bricole, qu’il s’agisse d’une corde ou d’un fil de fer comme dans Fioriture (1987). Ce dernier évoque les turpitudes d’un petit bonhomme en fil de fer qui se sert des restes de la bobine pour construire son univers : une maison, un chien, une femme… Malheureusement, notre héros est un brin parano et va petit à petit détruire tout ce qu’il a bâti pour ériger une clôture high-tech qui le coupera définitivement du monde extérieur. Une fin un peu amère dans le ton de celle d’Adagio, le plus récent court de la sélection. Avec quelques feuilles de papier et la superbe musique d’Albinoni, Bardine construit un ballet lyrique dont le dépouillement extrême fait toute la force plastique du film. Découpés dans du papier gris, des pèlerins uniformes se heurtent à un personnage dont la blancheur immaculée causera la perte. Pas très joyeux tout ça… Seul l’hilarant combat que se livrent des boxeurs en pâte à modeler dans La Boxe (1985) apporte une note de gaieté dans cet ensemble plutôt morose, décidément peu fréquentable pour le jeune public…