Pédale Douce, premier film de Gabriel Aghion, est devenu à sa sortie, et presque malgré lui, le porte-drapeau vulgarisateur (pédago-démago) d’une des franges les plus exubérantes de la communauté homosexuelle, en présentant, sans jugement moral mais avec humour, au grand public ignorant, un monde aux pratiques différentes et originales : celui des « night-clubbers ». La leçon a été retenue et désormais, dans les grandes entreprises, tous les cadres se moquent gentiment des cernes matinales du collègue, en le soupçonnant de se travestir en folle et de danser jusqu’au petit matin sur des reprises technos de Dalida. On rigole comme on peu dans les grandes entreprises…

Avec Belle-Maman, Gabriel Aghion se paye un nouveau tabou, dans le but d’ouvrir le cadre-sup à une « nouvelle » sexualité : l’homme marié qui craque complet pour sa belle-mère. La « tuile », elle tombe justement sur Antoine (Vincent Lindon), le jour de son mariage avec Séverine (Mathilde Seigner), lorsqu’il fait la connaissance de Léa (Catherine Deneuve), la maman de sa femme. Après de multiples refus de la belle-mère (genre « Et ma fille ? Et mon âge ?… », toujours le côté pédago), elle finit par tomber dans le bras du gendre baba. Pourquoi ? On ne sait pas, puisque de désir, il n’est jamais question : un regard tendre de la femme mûre sur le dos nu de son gendre, et un pauvre baiser accordé dans l’obscurité d’une cave, et c’est tout. C’est que la star Deneuve (malgré son talent et même si elle cherche à chaque fois à casser son image) est encombrante. On ne peut pas lui demander de faire les pieds au mur (on se souvient des Voleurs de Téchiné et de la scène pudibonde du bain avec Laurence Côte). C’est une des raisons de l’échec de Belle-Maman : en choisissant d’adopter le point de vue d’Antoine, et de nous rejouer l’éternel vaudeville du mari qui court après une autre femme, plutôt que celui de Léa, et de nous faire partager ses doutes et son désir inavoué pour le mec de sa fille, le film survole son sujet. Une fois que le message « Antoine a Léa dans la peau » est passé (pour ceux qui auraient raté la promo, l’affiche, etc., dès la première minute du film), le scénario n’a plus rien à nous offrir, si ce n’est une succession de scènes de bravoure dont on prévoit qu’elles feront se pâmer la moitié de la critique : « Deneuve dansant sur Rita Mitsouko, ça vaut bien le nightclubbing d’Eric Dahan !!! » ou « Line Renaud – Stéphane Audran sont irrésistibles en couple lesbien »… Tout cela est vain, plus ou moins drôle, pas très constructif, franchement démago. Et à l’instar d’In and Out, qui cherchait à donner une leçon d’homosexualité aux « bouseux texans » (un homo, c’est un type qui ne peut pas s’empêcher de se trémousser et de rouler du cul sur de la disco), Belle-Maman offre, avec ses gros sabots (à ne pas confondre avec de la truculence) et à petit prix, l’occasion au cadre pantouflard de se dévergonder. Ce n’est peut-être pas si mal, qui sait ?