Avouons le tout de suite : Au cœur du Mensonge, le dernier Chabrol, manque de rigueur. Il est vrai toutefois que ça ne veut pas dire grand-chose : la rigueur, à quelques exceptions près (La Femme Infidèle, ou, plus récemment, La Cérémonie), n’ayant jamais été le fort du cinéaste. Comme dans Que la Bête Meure, tout commence par la mort d’un enfant, sauf qu’ici, le scénario repose en partie sur un suspense lié à l’identité du meurtrier (a contrario, dans le film précité, Jean Yanne était présenté dès le départ comme coupable). Le suspect principal est un artiste marginal, Stern (Jacques Gamblin, pas très convaincant), qui donnait un cours de peinture à la victime juste avant que celle-ci ne soit violée et tuée. Tandis qu’une femme commissaire (Valeria Bruni-Tedeschi, à la fois douce et rigide) mène l’enquête, les rumeurs commencent à courir dans le petit village breton où se situe l’action. Desmot (Antoine de Caunes, qui parvient à se glisser dans la peau d’un personnage insupportable sans trop de difficultés…), journaliste et écrivain « tendance » et verbeux (comme l’indique son nom de famille), tente, quant à lui, de séduire la femme de Stern (Sandrine Bonnaire, dont le talent éclate avec toujours autant d’évidence). Mais lui-même semble cacher des choses… On retrouve dans Au Cœur du Mensonge l’atmosphère ambiguë de la plupart des Chabrol : un lieu dont l’apparence sereine entraîne des ellipses qui font naître le mystère, une galerie de seconds rôles assez typés (on notera en particulier la performance de Bulle Ogier en commère à la tignasse de lionne), et, surtout, la prégnance constante du doute sur tout et tous. Pourtant, la sauce ne prend que rarement : les dialogues sont mal écrits (surtout dans la première partie) ; la photo, malgré une recherche sur le bleu et les teintes hivernales, est aussi fade que dans un téléfilm; et l’intrigue n’est pas des plus passionnantes. Le talent de Chabrol parvient malgré tout à retenir notre attention, au détour d’une rencontre de comédiens aimés (Bulle Ogier face à Valeria Bruni-Tedeschi, par exemple) ou de quelques séquences très réussies (Bonnaire et Gamblin sur la plage notamment). C’est peu mais suffisant pour que notre flamme pour le cinéaste demeure intacte.