Près de dix ans après son troisième volet, la saga en pantacourt du tournant 90/2000 foule les plates-bandes de nos Klapisch ou Esposito, faisant sien le crédo des accolades nostalgiques entre vieux copains de lycée, partis fouiller leurs souvenirs le temps d’un week-end couillu. Voilà, donc, le prolongement logique du merchandising entretenu depuis 1999 (après Marions-les ! en 2003, plusieurs dérivés ont directement trusté le marché DVD). Depuis, bien sûr, on a vécu l’hégémonie d’Apatow, et les problématiques de trentenaires ont pris la comédie d’assaut. Aussi l’annonce d’un American pie dédié à la crise de la trentaine pouvait laisser songeur : saisirait-il sa chance de rattraper la locomotive Apatow ? La réponse est dans le prologue : adulte, Biggs peut désormais se branler sans craindre l’irruption de son paternel, mais c’est aujourd’hui son jeune fils, hélas, qui le surprend la main dans le sac (soit une chaussette tartinée de vaseline). La messe est dite, la franchise n’a pas une seconde l’intention de mûrir, même si elle fait un peu semblant, pour la forme, en s’engonçant dans les problèmes éculés du film d’ado attardé : angoisse de la paternité, mais surtout litiges de lit et premières fois en eau-de-boudin ressassées comme autant de madeleines grasses et honteuses.

La constance du niveau a le mérite de confirmer, si besoin était, que les trois American pie (lire nos chroniques du 1 et du 2) et leurs ersatz étaient bel et bien, et sur tous les plans, inférieurs à la descendance apatowienne à laquelle ils avaient ouvert la voie. Parce que même devant les occasions de contrepieds offertes par le scénario (chambouler la petite galerie débridée en lui ajoutant dix ans, faire du boutonneux un vieux con en devenir plutôt qu’un énième papa immature), l’esprit American pie n’a pas l’air décidé à sortir du stade anal. Soyons sport : on peut quand même rire, ici et là, de vieux trucs propres à la série. Celle-ci s’en tire parfois grâce à son approximatif comique de situation, si décomplexé qu’en ressort une drôle de légèreté idiote, quelque chose entre Feydeau, de Funès et un Benny Hill lubrique. Même le Stifler de Sean William Scott, qu’on soupçonne d’être bon acteur, atteint à travers l’infamie une forme de puérilité attachante, prouvant que les American Pie sont, au final, fondamentalement innocents – ce qui veut dire aussi pudibonds et réacs, mais c’est après tout le lot d’une bonne part du teen movie. D’ailleurs, comme s’il était trop gentillet de nature, le film trébuche salement lorsqu’il emprunte la voie du trashi-trasho, et quitte le périmètre d’Apatow pour infiltrer celui de Very bad trip. Picorant dans l’assiette de ses propres rejetons pour subsister, il prouve bien que ses ressources de départ étaient maigrelettes.