Nouvelle appellation d’origine contrôlée, « le film de muse » se fait une petite place à Hollywood. Pas assez personnel pour prétendre au prestige des festivals, ni assez commercial pour engranger des montagnes de billets verts, ce genre en vogue trace une troisième voie, extension grand écran de téléfilms pour spectateurs en manque de culture pédagogique. Après le sympa Jeune fille à la perle, place à A1ma, femme indomptable de l’intelligentsia viennoise du début du siècle. Premier sex symbol, fatale, libérale, elle couchait avec les plus grands (peintre, musicien, architecte) et marqua leur vie à jamais. A la caméra, Bruce Beresford, éternelle beine à ordures hollywoodienne, exécute son contrat annuel avec un académisme primaire dont lui seul a le secret.

Budget raisonnable, stars en devenir (Sarah « 24h chrono » Wynter, plutôt bien) ou jamais arrivées (l’excellent Jonathan Pryce et l’inénarrable Vincent Perez), un scénario-saga sujet aux envolées lyriques et aux belles robes corsetées, tous les éléments sont comme prédécoupés, prêts à l’assemblage. Beresford se charge de coller tous les morceaux. D’ailleurs, sa docilité fascinante semble comprise dans la notice. Parce qu’Alma n’est absolument pas un film raté. Certes, il est complètement mineur, mais il barbote dans son jus de seconde zone avec une complaisance presque sympathique. D’une fluidité totale (joliment photographié, costumé et décoré), les scènes se suivent sans jamais se ressembler tout à fait. L’amant change de visage et de génie artistique, Alma part au sanatorium, revient à Vienne, essaie une nouvelle robe avant un petit break dans son pied-à-terre à la campagne.

Et puis il y a Vincent Perez, tout content de faire un film en américain, le cheveu court ou mi-long, l’air grave ou virevoltant selon les chapitres du scénario, hilarant petit prof d’histoire à ses heures perdues (l’Empereur autrichien déteste une de ses oeuvres avant-gardistes dans une séquence pittoresque filmée comme une anecdote de guide de musée), indéniable révélateur comique d’un film à l’allure d’une boîte à musique ringarde en diable, dont on a bizarrement huilé tous les ressorts. Risible donc, même dans le snobisme latent de Beresford, vieux poussin cultivé mais pas doué, condamné à transformer des grands projets culturels en téléfilms pompiers.