Belle idée que cette reprise du film de Jack Hazan, A Bigger splash, qui emprunte son titre à un fameux tableau de David Hockney. Portrait d’un artiste (David Hockney, donc), au moment où celui-ci vit une rupture amoureuse et un bouleversement de son art, le film suit une galerie de personnages qui, au début des années 70, constitue l’entourage intime du peintre. Chacun y joue son propre rôle, dans un savant mélange de documentaire et de fiction qui nous renvoie sans cesse à la part fantasmatique de la vie.

Jack Hazan capte quelque chose de la désolation terne de la fin d’un amour, du gris étale des lendemains de fêtes dans ce Swinging London finissant, procurant le sentiment d’une sorte de rêverie réaliste parfaitement synchrone avec l’univers de David Hockney. Tout ici semble ouaté, profondément civilisé, mû par le silence de soi et la sublimation des passions dans la création artistique. Il n’est pas jusqu’aux voix des protagonistes qui ne soient mesurées, réfléchies, pudiques, serties dans les intérieurs calmes de ces maisons d’artistes, dans ces galeries tirées à quatre épingles ou aux abords de ces piscines à la tranquillité édénique. Ce qui se déroule sous nos yeux, c’est à la fois la marche lente d’une reconstruction (comment faire le deuil d’un amour, comment finir un tableau ?) et le processus silencieux de la création, à mille lieues du cliché agité de l’artiste en proie à ses démons.

Parvenir à l’harmonie dans sa vie sentimentale, réussir à trouver l’équilibre des couleurs et des formes (loin des plaies d’argent qui poursuivent les artistes moins chanceux que Hockney), tels sont les enjeux d’un film dont le sujet (le peintre lui-même) n’a rien d’autre à offrir à la caméra que sa silhouette raffinée, éduquée, presque transparente, dont les rares saillies tiennent toutes entières dans une vague ironie et quelques menus détails vestimentaires (un épais nœud de papillon rouge, des lunettes design). C’est peu dire que A Bigger splash est l’antithèse de Rude boy, réalisé six ans plus tard par Jack Hazan, où les problématiques sociales, la fougue révoltée des Clash et la rugosité des années Thatcher anéantiront toute rêverie. A Bigger splash ne dispose au contraire que de pures surfaces pour construire son récit (qui avance au gré de curieux effets de suspense, notamment grâce à la musique), surfaces que le cinéaste, par le détour de la fiction, tente délicatement de percer pour atteindre à l’intimité des choses.

On ne sait trop si, in fine, Jack Hazan y parvient, tant le film bute contre ces surfaces, ces figures à la fois réelles et fantasmées auxquelles il oppose d’autres surfaces (quand par exemple il reproduit un tableau dans le réel). Comme s’il avait l’intuition d’une impossibilité du film et de l’art tout entier à révéler les profondeurs de l’âme humaine et du processus créateur. Ainsi le film ressemble à ce tableau d’Hockney que celui-ci finit par terminer, Portrait of an artist, où un homme, planté au bord d’une piscine, observe une silhouette nageant au fond de l’eau, réduit à ne regarder qu’une sorte d’écran des fantasmes, autrement dit une pure surface.